J'entame aujourd'hui un petit bijou de vingt pages à peine et datant de 1952. Dès les première lignes, j'ai été saisie par le style, le sens, la beauté.
En voici le début :
"Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n'ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d'où je puisse attirer l'attention d'un dieu : on ne m'a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationalisme ou la candeur ardente de l'athée.Je n'ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m'inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n'était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m'atteindrait moi-même car je suis bien certain d'une chose : le besoin de consolation que connaît l'être humain est impossible à rassasier.
En ce qui me concerne, je traque la consolation comme le chasseur traque le gibier. Partout où je crois l'apercevoir dans la forêt, je tire. Souvent je n'atteins que le vide mais, une fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds. Et, comme je sais que la consolation ne dure que le temps d'un souffle de vent dans la cime d'un arbre, je me dépêche de m'emparer de ma victime.
Qu'ai-je alors dans mes bras ?
Puisque je suis solitaire : une femme aimée ou un compagnon de voyage malheureux. Puisque je suis poète : un arc de mots que je ressens de la joie et de l'effroi à bander. Puisque je suis prisonnier : un aperçu soudain de la liberté. Puisque je suis menacée par la mort : un animal vivant et bien chaud, un coeur qui bat de façon sarcastique. Puisque je suis menacée par la mer : un récif de granit bien dur. (...)
Stig Dagerman - Notre besoin de consolation est impossible à rassasier - Editions Actes Sud
Illustration : Madeline Valentine
En voici le début :
"Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n'ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d'où je puisse attirer l'attention d'un dieu : on ne m'a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationalisme ou la candeur ardente de l'athée.Je n'ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m'inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n'était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m'atteindrait moi-même car je suis bien certain d'une chose : le besoin de consolation que connaît l'être humain est impossible à rassasier.
En ce qui me concerne, je traque la consolation comme le chasseur traque le gibier. Partout où je crois l'apercevoir dans la forêt, je tire. Souvent je n'atteins que le vide mais, une fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds. Et, comme je sais que la consolation ne dure que le temps d'un souffle de vent dans la cime d'un arbre, je me dépêche de m'emparer de ma victime.
Qu'ai-je alors dans mes bras ?
Puisque je suis solitaire : une femme aimée ou un compagnon de voyage malheureux. Puisque je suis poète : un arc de mots que je ressens de la joie et de l'effroi à bander. Puisque je suis prisonnier : un aperçu soudain de la liberté. Puisque je suis menacée par la mort : un animal vivant et bien chaud, un coeur qui bat de façon sarcastique. Puisque je suis menacée par la mer : un récif de granit bien dur. (...)
Stig Dagerman - Notre besoin de consolation est impossible à rassasier - Editions Actes Sud
Illustration : Madeline Valentine
9 commentaires:
C'est pas la joie ! Je ne sais pas si je pourrais lire quelqu'un qui paraît remuer le couteau dans ma névrose. Même s'il y a de belles images dans cet extrait.
Remarque, on me disait pareil quand je lisais Bauchau cet été, "y'a plus léger pour les plages" (de toute façon, contrairement à certains qui entrent petit à petit dans la mer, je n'étais pas à la plage).
J'adore !
J'ai offert ce tout petit livre une bonne dizaine de fois déjà !
Loin d'être triste, c'est un sacré constat sur la nature humaine en général et ses hautes aspirations d'autre part.
C'est d'une écriture assez "blanche", je veux dire presque pas émotionnelle dans la forme, mais ca remue sacrèment...
:-)
Zoridae : tu t'es renseignée sur l'origine et la publication de ce livre ?
:-))
Marie-Georges,
Ah bon ? Je ne fais (presque) que ça !
Ce qui me déprime le plus ce sont la médiocrité et la bêtise...
Qu'as-tu lu de Bauchau. C'est un auteur qui me fait envie mais dont je n'ai encore rien lu !
Monsieur Poireau,
Oui comme tu le dis, ça remue !
Monsieur Poireau 2,
Non pas du tout ?
Zoridae : Bauchau est passionnant. J'ai commencé par son "Antigone", personnage qui devrait te plaire, pensé-je...
:-)
Sympa...
Je regrette juste 2 choses, d'une part que, sauf erreur, tu ne mettes pas la référence du joli visuel que tu utilises, car une "zolie" image qui accroche l'oeil, il faut lui dire merci..., et que tu ne donnes pas plus TON point de vue sur ce texte, sur ce livre...
Nos beaux disent perfect...;-)
A part ça, tout va très bien...
Vangauguin, chieur dans les colles (c'est de saison)
http://avatarzen.blogspot.com/
Oui, Antigone doit être un excellent livre pour commencer Bauchau, plutôt que son dernier.
Et tu as raison, mais j'ai besoin qu'il y ait de la joie dans la noirceur, de l'espoir dans la fatalité. (D'où mon adoration pour Trénet !)
Euh je ne t'ai pas répondu. Cet été j'ai commencé "Le boulevard périphérique" mais j'ai été court-circuitée par une autre lecture que je voulais faire depuis longtemps : "Le Capital" d'un certain Marx. (Cela dit vu le volume je ne compte pas attendre d'avoir fini Marx avant de reprendre Bauchau !)
Vangauguin,
Désolée, en général je mets la source de l'illustration, là j'avais oublié mais c'est réparé !
Quant à mon avis : je parle rarement des livres que je lis. Peut-être parce que je lis énormément. La digestion se fait alors que d'autres romans ont été achevé et alors, il y a beaucoup de points que j'ai oublié. J'ai néanmoins écrit une toute petite phrase impliquée...
(Et puis, j'ai à peine lu quelques pages. C'est un ouvrage qui se savoure lentement !)
Marie-Georges,
"Le boulevard périphérique" c'est celui que j'avais envie de lire :))
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