mercredi 3 septembre 2008

Au commencement était le blog

[Contribution de Marie-Georges Profonde]

Michel-Ange, La création d'Eve, 1512

Toute ressemblance avec des extraits de mails reçus et envoyés par l’auteure est purement due à sa parfaite maîtrise de l’ordinateur en matière de copiage-collage.


« Ah ah ah, un blog, moi ! Meuh nan hein. Franchement est-ce que j’ai une tête de blogueuse ?! Et puis d’abord c’est quoi un blog ? C’est pas ce truc que tout le monde écrit et que personne ne lit ? Ri-di-cule ! »


Ainsi parlait Marie-Georges à l’ami qui semblait vouloir la pousser à la création d’un blog bien à elle. L’ami lui envoya, en guise d’exemple, l’adresse d’un blog où, selon lui, il faisait bon lire. Il s’expliqua :


« Il y a quelques semaines en parcourant le Web j'ai trouvé ce blog et je me suis dis que tu aimerais le ton et le sujet. Delphine m'a dit hier qu'en plus tu parlais de faire un blog (pour rire ou sérieusement je ne sais pas). En attendant voici le lien”


« Faire un blog », c’était effectivement une boutade sympa entre copines pour ponctuer des propos dépourvus d’intérêt : « Et si j’en faisais un blog ? Ouarf ! »


Comme je ne suis pas très organisée de nature, je répondis à quelqu’un d’autre (qui ne m’avait rien demandé et ne m’avait pas écrit non plus) :


C'est nul les blogs, je trouve ça chiant, toutes ces vies médiocres exposées telles de sublimes oeuvres au regard de tous. Les bloggers donnent leur avis sur tout sans se documenter sur rien et en plus on leur a rien demandé. Pouah !”


Ensuite, je cliquai sur le lien envoyé par l’ami susdit et atterris sur un blog drôle et frais, écrit par une pétillante blogueuse VIP (comme on dit après quand on commence à s’y connaître), dont les textes distrayants, à la fois légers, originaux et instructifs, me passèrent allègrement au-dessus du crâne. Une inexplicable langueur m’étreignit. Mon cerveau gauche téléphona à son voisin de droite : « C’est sympa la déco ici. Bon on s’en va ? »…


Quelques jours plus tard, au gré de mes activités de geek dans les utilitaires sociaux, je découvris, mi-moqueuse mi-jalouse, qu’un ex à moi possédait un blog. C’est donc le sourire en coin – tout droit piqué à la méchante Elisa fomentant un énième sale coup à la gentille Candy - que je parcourus l’œuvre du goujat de naguère : « Hin hin hin ! Quel naze, décidément !», me répétai-je au fil de cette lecture. C’était tellement nul que je revenais m’y gausser chaque jour. C’était peut-être pas si nul. En réalité, je me laissai piéger sans en avoir conscience par le pouvoir insoupçonné du blog en matière de « revenez-y ».


Alors, par le truchement des liens, commença une étrange route des vins bloguesque au milieu de laquelle je titubais chaque jour. Je découvrais le fil à couper l’eau chaude : « Les blogs, c’est comme les humains, certains se ressemblent mais y’en a pas deux pareils », déclamai-je d’un air profond. Et puis un jour, l’addiction. Mon œil papillonnant se posa comme à sa jeune habitude en un point précis de la toile blogosphérique. Il se retrouva aussitôt prisonnier d’un texte, tissé magistralement par un personnage arachnéen que nous nommerons Z. afin d’en préserver l’anonymat. J’étais désormais rivée à un ébouriffant récit à épisodes et hoquetais nerveusement de la souris chaque jour, la sueur au front, en implorant le dieu du net : « Ô grand Tout de la toile sacrée, faites que Z. ait posté aujourd’hui ! ». Il m’entendait. Elle postait. Je me délectais. Ce fut elle qui apposa, devant mes prunelles bées et ma bouche baba, leurs lettres de noblesse à ces objets naviguant guère identifiés qu’étaient pour moi les blogs.


Du temps passa encore. Je trouvais ça drôlement chouette, les blogs. Je me décidai à tenter l’aventure bloguesque, un dimanche comme les autres où je cherchais une excuse pour ne pas faire ma lessive. Ce ne fut pas sans interrogations. « Mmmmh ? Mon blog ? C’est à quel sujet ? », demanda mon surmoi d’un air circonspect. « Comment assumeras-tu d’embêter les autres avec la vacuité de ton existence ? », poursuivit-il. C’est en bloguant qu’on trouve la réponse à cette culpabilité (sans fondement, par définition). En deux mois de blog, j’ai observé ma prose s’enfuir de ma tête pour se coller aux pages du site et s’offrir à la vue de tous. « C’est un journal extime », conclus-je en me relisant. Le produit fini m’intéressant moins que le processus, je décidai de n’avoir ni thèmes, ni rubriques. Parce que quand même, ce qui est bon dans son propre blog à soi rien qu’à soi, c’est la liberté de mettre les pieds sur la table de son petit deux-pièces virtuel et de se balancer frénétiquement sur sa chaise fictive sans risquer la fracture de l’occiput. Et d’être visitée quand même. Je gravai dans l’airain ces commandements à l’unique adresse de mon moi-blogueuse :


- une cohérence jamais tu ne chercheras ;


- si tel est ton bon plaisir, du futile à l’intime, de la politique à la diététique allègrement tu passeras ;

- tes jeux de mots hasardeux sans vergogne au vu de tous tu exposeras ;


- l’angoisse de la page blanche en te déconnectant tu soigneras ;


- à un rythme régulier jamais tu ne t’astreindras ;


- la médiocrité de tes textes tu relativiseras ;


- les compliments tu croiras.


« Comme quoi, le début d’un blog, ça aurait presque la gueule d’une expérience initiatique », finit par se dire Marie-Georges Profonde, en flagrant délit d’autostop sur la voie du Bouddha inspiré. Mon blog ne me ferait-il pas - un tant soit trop - perdre la boule athée ?


Et vous, par quel chemin curieux, improbable, de traverse, départemental ou autoroutier en êtes-vous venus à créer votre blog à part ?

27 commentaires:

Le_M_Poireau a dit…

Ah j'ai commencé à peu près dans le même état d'esprit avant de tomber sur Jessica Lisse qui a "provoqué" la création de mon tout premier blog !
[http://sans-queue-ni-tige.cowblog.fr].
J'ai ensuite continué sur différente plateforme et sous divers pseudos jusqu'à ce patronyme ridicule que tout le monde m'envie !

Au fait, mais toi, pourquoi ce pseudo ?
:-)))

Anonyme a dit…

"Ben moi, tout pareil," dit la lectrice suivante d'un air profond. D'abord fort rétive à cette pratique bêtement narcissique que je croyais réservée aux ados boutonneux étalant les photos de leurs copains et parlant de leur dernière soirée aneuronale, je suis tombée un jour sur un chouette site, celui de Veuve Tarquine pour ne pas la nommer, et me dis alors qu'on pouvait savoir écrire, être pertinente et cultivée, et blogguer. Très envieuse de ce talent, je mis une bonne année avant de me décider à sauter le pas, un soir où je cherchais moi aussi un bon prétexte pour ne pas m'acquitter des tâches les plus impérieusement urgentes qui s'accumulaient.

detoutderien a dit…

moi c'est rien que de la faute à Nicolas !

Christophe Sanchez a dit…

tout d'abord, je tiens à féliciter l'auteure du texte ci-dessus qui ne manque pas de piquant et d'interrogation sur son "soi"...
Soit...
En ce qui me concerne, je suis tombé dans les blogs quand j'étais petit (wè comme le gros gaulois !) c'est à dire il y a un plus de deux ans.
Oui, il y a deux ans j'étais encore petit et certainement le suis-je encore.
Je n'y suis pas allé par goût pour l'écriture ou la lecture. Je me suis lancé là dedans par jeu, par peine peut être, par désœuvrement surtout et par la suite par envie de découvrir quels personnages pouvaient bien se cacher derrière ses pseudos abracadabrantesques.
Puis, au fil des mois, les liens avec ses personnages, le plaisir de les lire tous les jours, m'ont définitivement rendus accro. ...

Aujourd'hui, je m'y écris plus ou moins souvent, plus ou moins bien mais je garde toujours le même plaisir de découverte. Dans ce nœud de liens que je trouve ici, me voilà rassasier.

:)

Dorham a dit…

Argh !
Moi, je suis finalement étonné de la richesse des blogs en général. J'en lis relativement peu par rapport à certains mais parfois, tu tombes sur des trucs proprement ahurissants...
C'est finalement un outil qui cristallise beaucoup de critiques...pas toutes justifiées.

Marie-Georges a dit…

Ouh, c'est un peu long, il y a beaucoup de lourdeurs, de répétitions et la mise en page est un serrée. A part ça, c'est très vrai.
:))
monsieur Poireau,
Mon pseudo date de bien avant les blogs. Je l'ai créé en 2001, lorsque j'enseignais le français à Séoul. (Bon je risque d'être longue, je ferai un petit texte là-dessus un jour.)
Clarinesse,
;) J'ai hâte de te lire.
Gaël,
C'est lui ton grand inspirateur ? Mais lequel de ses blogs ?
Kris,
Merci, je rougis !
Oui, c'est une addiction, avec tout ce que cela comporte de dégâts collatéraux. Je me sens encore moins sociable qu'avant : la hâte de rentrer chez moi pour bloguer m'étreint trop souvent !
Dorham,
Oui, de vrais petits univers, parfois feutrés, parfois crus... Avoir sa photo+son nom en couleurs+son avis/sa vie sur une page avec plein de fioritures, tout ça sur internet, ça a un côté égo qui rutile. C'est ce que je me suis dit au début. Mais ce que j'ai d'abord vu chez la Z. en question, c'est son imaginaire et son écriture.

Zoridae a dit…

Marie-Georges,

Désolée pour la présentation, je n'avais pas eu que les sauts de ligne avaient disparu. C'est rectifié !

Marie-Georges a dit…

C'est beaucoup mieux, merci ;)

ohlebeaujour a dit…

allez, je me fends d'un commentaire, puisque tu demandes mon avis ^^

deux ans et demi que je bloblogue et je constate qu'il y a autant de blogs que de personnalités, que moi aussi, j'ai mordu à l'hameçon du "j'ai quelque chose à écrire"

toutes les raisons de critiquer et/ou se taire

c'est un peu décousu comme commentaire, excuse-m'en à l'avance

mon cerveau fonctionne au ralenti: le jour j'écris pour les autres, la nuit j'écris pour moi, je me nourris de mes lectures, j'enrichis et je m'enrichis à la lecture de livres et de blogs (et plus de blogs que de livres), envie de partager et de dire merde aussi

dire merde fait du bien
dire je t'aime aussi
lire et écrire c'est un peu des deux avec une immense palette de nuances

bon, j'abrège et je poste avant de me dire... mais qu'est-ce que tu écris comme conneries et d'effacer

en conclusion, j'ai une araignée au plafond et mon blog me permet de la nourrir, de la faire s'exprimer, de la promener aussi

Anonyme a dit…

Je reprends à mon compte tes commandements d'airain.
(Tiens sur le journal extime j'ai publié une note là dessus d'ailleurs)

Marie-Georges a dit…

Ohlebeaujour,
Ohlebeaupseudo :)
Je trouve aussi que ça fait du bien. Mon araignée au plafond y trouve aussi son compte et mieux : l'embarrassante devient précieuse.
Commeuneimage,
"extime", je l'ai entendu un jour chez mon psy et j'ai trouvé ce mot intrigant, presque un oxymore à lui tout seul. Kris en parle également dans son blog, c'est même son créneau !

Dites, c'est étrange de se raconter dans le blog de quelqu'un d'autre, à quand une contribution "bloguer chez les autres" ? :)

Didier Goux a dit…

C'est ma femme qui m'a forcé...

Anonyme a dit…

Moi j'écrivais avant d'avoir un blog. Je me faisais entre autre des petits comptes-rendus de concert que j'envoyais à une animatrice de Classic21 (une radio belge) et qui les mettaient en ligne sur son blog. Et puis, j'ai fait un festival (une semaine à Cognac l'année passée. Une semaine humainement riche, hors espace-temps, initiatique) et au lieu d'écrire quelques lignes, j'ai écrit presque 6 pages. Quand j'en ai parlé à Marie (l'animatrice), elle m'a dit qu'il était bcp trop long pour le mettre chez elle, mais que je pourrais faire mon propre blog et le commencer avec ce billet. J'avais les mêmes réticences que la plupart d'entre vous et lui en ai fais part. Elle m'a répondu: 'Quand j'ai lu ton billet, je m'y suis vue. J'ai vécu et ressentit avec toi...et c'est toujours intéressant de savoir ce que les autres peuvent ressentir sous leur peau!' La formule était tellement belle! Alors, je me suis lancée.

Mlle ciguë a dit…

...

Heu..

...sais pas...

Je devais avoir envie...?...

Audine a dit…

moi, moi, moi ... :)

Catherine a dit…

Pas forcé, fortement encouragé ! Nuance !

Marie-Georges a dit…

Didier Goux,
Quand vous obtempérez, vous ne faites pas semblant !
Mag,
L'écriture t'a menée au blog, donc... Pour moi ce serait plutôt l'inverse. Avant je n'écrivais pas, à part une correspondance effrénée et loufoque avec un homme.
Melle Ciguë,
C'est une bonne raison effectivement :)
Audine,
Toi alors !
Catherine,
Je me disais aussi !

Anonyme a dit…

Je devrais être "hors piste" puisque je n'ai pas de blog, mais... ce com me permet de remercier l'auteur de ce texte, laquelle met à jour mes opinions "profondes" sur cette création que l'on nomme communément "un blog"...
Et tous ces mots si justes pour en définir "un code perso" sous forme de commandements (même s'il n'y en a pas dix).
Mes plates excuses d'être intervenue à contre-sens... dans ce couloir réservé aux blogueurs...
Jeffanne

Zoridae a dit…

Merci au contraire Jeffanne de ton commentaire !

Marie-Georges a dit…

Oui merci :)

Anonyme a dit…

Ben moi c'était juste pour ne plus perdre tous ces bouts de textes que depuis toujours j'écrivais sur des feuilles volantes, et dont j'étais certain de faire quelque chose, un jour.

Quelque chose ? Quoi ? Je n'en savais rien alors, pas plus que maintenant.

Je voulais peut-être mettre de l'ordre dans ma tête qui, naturellement, en a toujours été dépourvue. Et qui n'est guère mieux rangée aujourd'hui...

Anonyme a dit…

Je ne suis jamais allée sur le blog de Marie-Georges, mais j'apprécie beaucoup le style et l'humour de son texte qui me donne envie d'en lire plein d'autres !

Quand j'ai créé mon blog, c'était surtout pour trouver des lecteurs à mes histoires, au lieu de saturer mes amis de mails tous d'une importance vitale : "les aventures de Cochon chez le coiffeur", "Cochon apprend à traire les vaches", etc.
Mais je ne m'attendais pas à faire d'aussi belles rencontres, découvrir des auteurs de talent, rire et être émue. Et d'ailleurs, j'en profite pour répondre à la question de Zoridae, "pourquoi venez-vous sur mon blog ?". Parce que tu as la capacité de m'émouvoir et que... rhooo, j'ai pas envie de faire du cirage de pompes, mais voilà, j'adore ce que tu écris, tout simplement.

Zoridae a dit…

Cochon,

Oui Marie-Georges est géniale et très drôle... Comme toi !

(Tu es trop gentille !)

Anonyme a dit…

C'est mon fils (largentula), qui fatigué les rares fois où il venait que je le saoule de paroles qui m'a dit "tu devrais écrire un blog" et moi de lui dire "qu'est ce que tu veux que j'écrive! des c... comme il pleut aujourd'hui?"
"mais non" qu'il me dit "tout ce qui te passe par la tête; ce que tu lis; tes colères etc.."
Et il a créé mon blog, presque malgré moi!
Résultat? chaque fois qu'il vient, toujours trop rarement, je le saoule des visiteurs de mon blog, des commentateurs et de ce que je vais écrire.
Seuls mes murs se plaignent, car je ne leur parle plus!

Marie-Georges a dit…

martin cadeau,
Je m'apprête à faire 'inverse, à transformer en feuilles volantes ces textes que je n'ai jamais sauvegardés ailleurs que sur Blogger. Merci de ton commentaire !
Cochon,
Merci ! Moi je connaissais ton blog avant que Zoridae ne parle de sa découverte (nananère) ! Je n'avais pas encore de blog et je ne commentais pas, mais j'avais quelques adresses dans mes favoris, dont la tienne, trouvée en explorant Google à la recherche de blogs dessinés. Parce qu'un blog illustré par son auteur, pour moi, c'est vraiment la classe ! J'aimerais en faire autant.
Zoridae,
Merci !
Jelaipa,
Intéressant ! Comm qoi les enfants ont de bonnes initiatives pour leurs parents. Mais quelque chose me dit que, plutôt que d'échapper à vos bavardages, il souhaitait en fait vous lire... Me trompe-je ?

Anonyme a dit…

au départ pas certain; plus m'aider à avancer...
Mais je les sens souvent intéressés par ce que j'écris ( ne serait- ce que mes souvenirs d'enfance); il m'arrive aussi de passer des messages!
l'inconvénient : comme ce sont mes plus fidèles lecteurs, je ne peux pas parler de choses trop intimes ( sur certains états d'âme d'une vieille dame encore très vivante par ex)...

Anonyme a dit…

Miam... c'est bon de vous* lire.

Notre blog, on l'a "ouvert" (découvert?) parce que l'on fonçait en plein dans une grosse étape de notre vie, déménagement (de Paris à Lyon) et emménagement (ensemble).
Plus personnellement, la perspective de pouvoir écrire et être entendu me permettait de calmer un peu mon angoisse de Parigot-tête-de-veau.
Et d'un récit de découvertes, c'est devenu l'album de "nous".



* oui oui, c'est bien un bête vouvoiement dont j'ai du mal à me décrocher tant que je ne connais pas physiquement (au moins de vue j'entends) celui ou celle à qui je m'adresse. Ça passera peut-être avec l'âge, ou bien avec l'époque.