mardi 20 mai 2008

Cicatrices (1) - Finir son assiette -

Ma mère m'a envoyé un mail parce qu'elle croit que je boude. Il s'intitule nous. Entre autres choses, ma mère m'informe qu'elle a rattrapé le retard sur mon blog et elle avoue : "je le trouve triste, trop triste par rapport à ta vie, qui est riche..."

Elle me conseille de récapituler mes bonheurs. Ce qu'elle accomplit pour moi, en quelques lignes.

Je soupire et je tourne la tête vers la fenêtre... Dans la vitre, mon reflet me dévisage, sans sourire.
Je contemple mon front strié d'angoisse, mes yeux maussades, mon grand corps avachi devant le bureau en pensant à ce que ma mère me suggère et en me demandant pourquoi je suis si sombre, si tourmentée en ce moment... Mon sourcil droit est coupé en deux par la blanche cicatrice, cousue savamment par mon père. Ma paupière gauche est boursoufflée juste au coin de l'œil. C'est une des cicatrices de l'accident. J'en ai une autre, quasiment invisible à la base du nez, entre les narines et la lèvre, et une au coude droit.

Curieusement, pendant des années, celle que j'ai tenté de dissimuler, celle dont j'avais honte, c'était la cicatrice au coude. Violacée, elle grumelait, exhibant des pans de chair nue, lisses et obscènes lorsque je dépliais le bras. J'avais l'impression qu'en la voyant n'importe qui pourrait connaître le fond de mon âme ou apercevoir les béances de mon cœur pathétique. Ce que j'imaginais, c'est que me connaissant, les gens se détourneraient de moi. Se moqueraient de moi. Cesseraient de m'aimer. Cette plaie abritait en elle toute ma laideur. Elle était un concentré de ce nez que je haïssais, de ce corps qui m'effrayait, de ces doutes que je dissimulais. Alors en cours de sport, je gardais le bras plié et le reste du temps je portais des vestes, des chemises, des pulls. Seule, je caressais rêveusement la peau à vif, ses bosses, ses coutures, je tirais sur les morceaux de trop, les roulaient entre mes doigts.

Ça me plairait bien d'être seulement celle que je suis aujourd'hui, Maman tu vois. C'est pas mal, la musique, un peu d'écriture, de beaux amis, un amoureux, un enfant, ça tient en quelques lignes ; le bonheur, ça ne se raconte pas mais c'est toujours ça de pris. J'aimerais bien, dans la glace, admirer un visage serein. Pourtant ce que je distingue ce sont les cicatrices. Je me demande si celle de ma paupière serait aussi voyante si mon père ne m'avait pas giflée, juste dessus, quelques temps après ma sortie d'hôpital.

Ce jour là pourtant, j'étais sûre de moi. J'avais analysé la situation et, au réveil, j'avais expliqué à Anna :
"Ce qui l'énerve c'est quand on montre qu'on a peur de lui. Je l'ai remarqué... Je suis sûre que si on ne haussait pas les épaules quand il est derrière nous ou si on ne levait pas le bras devant notre visage, il ne nous taperait pas. Fais-moi confiance Anna. Essaie de faire attention, juste aujourd'hui. Je sais que j'ai raison. Si on a l'air confiantes, tranquilles avec lui, il ne se fâchera pas."
Anna faisait la moue. Je m'impatientais :
"Ecoute Anna, ça sert à quoi de te protéger, hein ? A rien ! Il te frappera quand même ! Alors reste immobile et si possible souriante, et tu verras qu'il n'arrivera rien..."

Puis nous nous étions retrouvées à table. C'était l'époque où mon père ne s'était pas encore remarié. Il ne savait pas cuisiner et les repas étaient un calvaire. J'avais depuis longtemps compris qu'il valait mieux finir son assiette que minauder à chaque bouchée. Mais ma sœur s'obstinait, elle renâclait, recrachait. Elle ne m'écoutait pas alors que j'avais compris et que je lui avais expliqué de quelle façon il convenait de se comporter. A la fin, elle pleurait, une main sur sa joue cuisante, et devait, quand même, enfourner la nourriture jusqu'à la dernière bouchée.

Il avait concocté des calamars, à la poêle. Nous aimions tellement les calamars à l'encre de ma grand-mère, peut-être qu'il avait voulu nous préparer quelque chose susceptible de nous réjouir. Tiens, je n'y avais jamais pensé. Tu vois, Maman, finalement, je ne relève pas que le négatif, je suis capable de distinguer une lueur dans l'obscurité. J'étais fière, penchée au-dessus de mon assiette pleine parce que je devinais qu'Anna suivait mes instructions. Elle babillait et mâchait soigneusement les mollusques.
A la première bouchée, je me rendis compte que mes repères allaient s'effondrer. Ma théorie ne me permettrait pas de triompher de cette épreuve : j'avais senti un œil craquer sous ma dent, les tentacules agrippaient mes gencives de leur myriade de ventouses, une nausée palpitait dans ma gorge. Mon père ne tarda pas à s'en apercevoir. Derrière moi, sa voix tonna :
"Finis ton assiette !"

Tentant d'obéir, je glissai un calamar entre mes lèvres et manquai vomir aussitôt. Mes épaules se soulevèrent, je rotai, et laissai tomber devant moi la chose répugnante, dégoulinant de salive. La main de mon père s'abattit aussitôt sur moi, qui lui tournais le dos. Je sursautai et touchai du bout des doigts ma paupière brulante. Le sang dévala ma main, s'enroula autour de mon poignet. Les calamars rougeoyèrent sur la table. Je me mis à pleurer, en silence. Je ne parlais pas, je ne disais rien, j'essayais de comprendre, d'analyser la situation mais une petite voix dans ma tête criait : "Comment a-t-il pu rouvrir une blessure qui m'a tant fait souffrir ? Comment peut-il m'empêcher d'oublier ?"

Plus tard dans l'après-midi, il fit tant d'effort que j'eus pitié de lui. Alors que ma sœur savourait un esquimau et que je ruminais le refus silencieux que j'avais opposé à cette tentative minable de réconciliation, je lui adressai de nouveau la parole :
"Il est à quelle heure, déjà, notre car pour V. ?"

(A suivre...)

Illustration : Art and Ghosts

23 commentaires:

Anonyme a dit…

eh ben ... ça me laisse sans voix ... (sans pixel).
(surtout que j'ai suivi tous les liens).
Je suis toujours gênée pour commenter sur "l'écriture", alors que je reste tourneboulée par le récit.

Anonyme a dit…

bouleversant!
j'ai dû bien souvent moi aussi "finir mon assiette", le dégoût aux lèvres et l'estomac révulsé.
et la claque assénée par lui, ou elle, qui ne savaient exprimer leurs émotions par la parole...
je les ai haïs

des années plus tard, j'ai été (je suis encore), à l'inverse, une mère perpétuellement inquiète du bien être de sa progéniture
peut-être de façon excessive.

il m'a fallut beaucoup de temps pour comprendre que mes parents ne faisaient que répercuter, "pour mon bien", le seul modèle éducatif qu'ils connaissaient: la carotte et le bâton

Zoridae a dit…

Audine,

Alors ne commente pas :)
Merci de ton passage !

Celeste,

Je crois que j'ai pris le même chemin que toi avec mon fils et lui n'est jamais obligé de finir son assiette...

Le pire c'est que je ne sais pas si mon père a été élevé comme ça. Je n'ai connu mes grands-parents que vieux et doux comme personne. On m'a dit que mon grand-père avait été dur autrefois mais j'ai toujours eu du mal à le croire.

Christie a dit…

Moi aussi, j'ai du finir mon assiette. j'en suis devenue anorexique (plus ou moins guérie, des traces existes toujours.Je n'aime pas manger).
Et je n'insiste jamais pour que mon fils finisse la sienne, quitte à avoir le reste de la famille sur le dos.
J'ai formé un écran opaque entre mon fils et "elles" au moment des repas en famille.
Les langues vont bon train derrière mon dos. soit, c'est leur problème!

Nous avons eu aussi un accident de voiture en Bulgarie.
La voiture a fait plusieurs tonneau, ça l'a rendue irrécupérable et se retrouver en rade de voiture à Sofia reste un souvenir marquant.

Anonyme a dit…

Ton texte est très beau et très fort. J'avais espéré que c'était une fiction, mais apparemment pas...

Zoridae a dit…

Christie,

Je ne suis pas devenue anorexique mais je mange souvent sans faim...
Merci pour ta visite et tes témoignages...

Cochon,

Merci :)
Et non, ce n'est pas une fiction mais c'est sans doute un peu romancé...

Ana DuCocon a dit…

Mes parents ont aussi eu du fil à retorde avec moi et la nourriture. Jusqu'à 2 ans, je ne mangeais que du painet après j'ai ajouté pâtes, pommes noisettes , purée et haricots à mon alimentation puis rien d'autres jusqu'à l'adolescence..;
Je suis souvent restée longtemps à table pour finir mon assiette sans jamais céder mais mes parents ne m'ont jamais frappé pour ça.

Mon TiBiscuit suit le même chemin que moi et après l'avoir forcé pendant longtemps maintenant on fait les indifférents "Tu ne manges pas, ben tant pis pour toi".

En tout cas, dur récit.

Anonyme a dit…

Ton écriture, pleines de fulgurances, sert à merveille cette douleur que tu évoques avec pudeur et sobriété.
Il y a les cicatrices visibles, celles dont on s'accommode tant bien que mal, et les autres, invisibles à l'oeuil nu. les plus douloureuses.
L'écriture permet de les atténuer. le verbe comme thérapie.
Tu le fais avec talent et du style, sans t'étaler.
Merci.

Zoridae a dit…

Miss Brownie,

J'ai adopté la "fausse indifférence"... Mon fils mange s'il peut. S'il ne mange pas je m'inquiète. Mais bon, il est gourmand !

Patrick,

Bienvenue ici, merci de ta visite et de ton commentaire :))

Je crois que je vais écrire sur ça pour la suite : est-ce que la l'écriture atténue ou pas les souffrances, est-ce que l'écriture est une thérapie ?

Je n'en suis pas si sûre...

Dorham a dit…

"est-ce que l'écriture est une thérapie ?

Je n'en suis pas si sûre..."

Je suis un peu macho tu sais alors, il y a des choses qui butent à mes lèvres. On se connait en plus donc il m'est difficile de trouver de la beauté dans ta souffrance. Même si, en réalité, je la distingue très nettement. Mais je vais le taire...

Est-ce que l'écriture est une thérapie ? Je ne crois pas du tout. En thérapie, je suis assez adepte de la résilience et l'écriture, c'est tout sauf la résilience. Bien au contraire, on pratique des incisions là où ça fait mal parfois pour regarder dedans.

Enfin, c'est un peu mon avis mais je le cristalise pas.

Anonyme a dit…

Je suis assez d'accord avec dorham, mais il faut parfois peut-être passer par les mots pour comprendre son histoire, et atteindre la résilience.

Je ne trouve pas ton blog triste. Mélancolique, touchant, vivant... la vie n'est pas que rose.

Encore touchée... A très vite !

Anonyme a dit…

dur dur
comme cochon je pensais plutôt à une fiction ou à des souvenirs amplifiés mais là c'est dur.
je pense que la période de notre enfance laisse des traces indélébiles en nous. cela ne s'efface jamais et même en devenant parent on reste quand même l'enfant de nos parents. on devient peut être plus compréhensif avec eux et quand c'est possible on essaie de ne pas répéter leurs erreurs.
contrairement à dohram je crois que la parole et l'écriture permettent d'apaiser les souffrances. En plaçant des mots sur des sensations on les apprivoise et on arrive mieux à les gérer (en tout cas c'est mon cas).
Si ta maman lit ce blog cela doit être très rude pour elle.
Encore un texte bien écrit.

Anonyme a dit…

L'écriture - thérapie, ça dépend, dit la normande qui sommeille peut être quelque part tout au fond de moi, allez savoir.

Souvent, les écrits qui servent de thérapie n'ont aucun intérêt. Ce sont des cris poussés autour d'un nombril douloureux et finalement, si le lecteur s'y intéresse, ça n'est que pour se dépêcher de raconter sa propre douleur. Qui ne change rien à la situation du souffrant initial.

En revanche, écrire peut aider beaucoup. Mais pour moi, ça commence par des listes, des colonnes, et du tri. Sur soi, et les autres. Et ça n'est que la moitié d'une plaisanterie.
Parce qu'après, quand on arrive dans la dimension "littéraire", là où écrire peut à mon avis aider efficacement, c'est justement ... dans la prise de distance. En extériorisant, en éloignant ce qui fait mal. Mais aussi, en se plaçant hors de soi, je crois. A force "d'interpréter" des "rôles" dans des histoires (comme dans les rêves, où l'on dit qu'on tient chacun des personnages du rêve), on en vient à mieux comprendre, et rendre moins "important" en termes de douleurs et de sens, même, ce qui auparavant ne pouvait s'évoquer sans souffrir.
Donc pour moi, écrire n'est une thérapie que si l'on en fait exactement l'inverse de ce qu'en font les "écrivains" qui l'envisagent ainsi.
Ne pas s'imaginer devant le thérapeute, chez qui on déverse comme bon nous semble. S'imposer des contraintes très fortes, de forme et surtout de distance, et aller rechercher dans chacun (des personnages qu'on invoque, comme le résultat d'une incantation), dans tout un chacun même, ce de quoi on est fait.

Voilà pour moi ce que veut dire écrire, le résultat d'écrire.

Zoridae a dit…

Dorham,

Je ne comprends pas tout dans ton commentaire... Pourquoi macho ?

Attention je ne pense pas que l'écriture soit une thérapie. Je m'interroge là dessus parce qu'une fois, ayant commencé justement une thérapie, ayant expliqué d'où je venais et ce que j'étais au moment de la rencontre avec cette psychologue, elle avait trouvé que j'avais énormément avancé, toute seule. La seule explication que j'avais trouvé c'est l'écriture...

Mais quand je vois comme l'écriture me remue, la plupart du temps, je suis plutôt d'avis, comme tu le dis, que c'est le contraire qui se passe. Ta phrase : "on pratique des incisions là où ça fait mal parfois pour regarder dedans"... c'est exactement ça !

Zoridae a dit…

Nelly,

Moi aussi je suis d'accord avec Dorham, ça tombe bien :)

Je suis surprise et heureuse que tu ne trouves pas mon blog triste... ça va rassurer ma mère !

Dodue,

Oui j'apprivoise mais ça ne me m'aide pas toujours...
Merci pour ton com !



Audine,

Merci pour ton commentaire intelligent qui résume bien tout ce qui a été dit. Je suis d'accord avec toi et j'espère que certains de mes billets n'ont pas l'air d'être des cris poussés par un nombril ;)


Je précise que quend je dis dans le com à Dorham que l'écriture m'avait aidée à avancer, il s'agissait de l'écriture d'un journal intime...

Anonyme a dit…

Je lis discrètement ce blog depuis plusieurs mois, sans jamais laisser de traces de mon passage, parce que c'est tellement beau que... J'ai peur de gâcher le texte avec un commentaire inutile, qui ne serait pas à la hauteur. Mais aujourd'hui, j'ai envie de dire, au moins une fois, à quel point j'aime ce que je lis ici.

Je me rappelle d'une cruche remplie d'eau... Mon père a enlevé un à un chacun des glaçons ; ma mère et moi nous le regardions stupéfaites, bizarrement nous n'osions pas lui demander à quoi il jouait. Et moi, je refusais de manger mes épinards (j'ai toujours détesté les épinards). Après avoir enlevé tous les glaçons, il m'a versé la cruche sur la tête, en hurlant "Mange !".
En fait il avait été gentil : il ne voulait pas me blesser avec les glaçons. Il m'a déjà frappé, avant comme après, mais bizarrement cette douche froide m'a fait autant de mal qu'une gifle... Je reste incapable de dire pourquoi.

A propos de l'écriture thérapie, je n'en sais rien, c'est une question que je me suis déjà posée (par le passé j'ai souvent utilisé l'écriture comme thérapie). En tout cas, dans un article à propos du succès des blogs, un psychanalyste prétendait que l'écriture était une forme de thérapie. C'était à l'époque des 2 gamines qui s'étaient suicidées après l'avoir annoncé sur leurs blogs, alors le journaliste tendait de faire dire au psy qu'il y avait un danger, sans y parvenir.

Quoi qu'il en soit, rendre la souffrance belle, artistique, et la faire partager ainsi, constitue un immense talent.

Dorham a dit…

Z,

quand je dis macho, je veux dire qu'en général, je me refuse à être expansif parce que "ce n'est pas très masculin". Chez les latins, on vit dans le culte de l'homme fort, résilient, qui serre la machoire. Par idiote pudeur, je me refuse donc à dire certaines choses.


L'écriture d'un journal intime, c'est différent. Le journal "intime" n'est pas livré à autrui, il est pour soi, cette réserve (forme de résilience en fait) est bien sur curative.

Mais dès lors que l'on va plus loin, on cherche à nourrir sa douleur pour nourrir son écriture, et inversement. C'est donc sûrement plus douloureux que médicinal. Encore une fois, je ne voudrais pas paraître péremptoire ou trop affirmatif, mais il y a des degrés ou l'ambition dans l'écriture dépasse l'individualisme et on se change en barbaque à piller, on s'utilise, on se sert de soi. On se considère en objet (et ce, même quand on écrit rien d'autobiographique)...

C'est ce qu'on peut appeler (enfin, ce que certains écrivains appellent) écrire avec son sang. je trouvais cette phrase d'une affligeante prétention, et puis, il y a peu, je l'ai entendue sous un autre angle. Celui-là.

Anonyme a dit…

Junko, c'est vraiment ahurissant.
Toutes ces doses de sadisme ordinaire, jour après jour ...

Balmeyer a dit…

Texte dur, fascinant, à plus d'un titre. Je ne pourrais pas comme toi expliquer, même romancé, quelque chose de ce genre... j'aurais l'impression de m'ouvrir le ventre. Tu es sur le fil de l'impudeur, du marasme, mais une sorte d'humour froid cerne tout, et l'empêche de se répandre... Dans cette configuration là, tu excelles.

Et des commentaires passionants...

Si nous faisions un syndicat de blogueurs, il faudrait quand même penser à élire Audine comme représentante, non ? Qu'en pensez-vous ? Je suis d'accord avec elle, même des choses que j'ignorais penser.. :)

Sinon, je n'ai pas toujours l'impression autour de moi qu'une thérapie permet d'aller mieux, des fois c'est pire, avant une éventuelle éclaircie au bout de dix ans.

J'ai des tas de choses à ajouter. Ne partez pas.

Anonyme a dit…

Balmeyer, j'ai aussi parfois l'impression qu'une thérapie c'est pire, c'est remuer les souffrances.

Je vois un psy régulièrement en ce moment, pour m'aider à mettre du sens sur ce que je vis. Je sais que je n'irais pas plus loin que ce moment. Il me sert à ne pas me perdre... mais pas à me trouver. Parfois, je resors en me disant que je lui ai dit la même chose qu'à mes copines...

Anonyme a dit…

J'ai appris cette année en cours que le processus de deuil se faisait en revivant mentalement chaque type de moments passés avec la personne perdue, ce qui permet à l'être humain de remplacer la souffrance (pleurs...) par de la nostalgie, ou tout simplement par des souvenirs digérés.

Peut-être est-ce la même chose avec "la digestion" des souvenirs marquants de l'enfance ? Si oui, alors l'écriture te permet de "revivre" ces moments, et constitue une forme d'apaisement après t'avoir remuée...?

En tout cas, je suis une fois de plus bouleversée par tes mots, mais je ne trouve pas non plus ton blog triste, juste réaliste : tous les sentiments y sont mélangés... ;-)

Anonyme a dit…

Ben j'ai fini tellement d'assiettes sous les baffes...
Ben j'ai fait tellement de "lignes"
Ben j'en n'ai tellement pris...
Que qd je suis devenu grand, je me suis regardé, bien en face, et j'ai annoncé clairement :
- Mes enfants! Je suis désolé! Mais j'ai pris la décision de ne pas me reproduire! Désolé pour vous mais vous ne viendrez pas au monde. Je ne suis pas certain de ne pas être un vrai connard de père...de ne pas avoir un désir incontrôlé de vengeance qui traine.De toutes les façons vous ne manquez rien, ici c'est une vraie merde d'injustice, de violence...de l'inimaginable...Le bonheur c'est juste le moins pire...du que dalle quoi. Si si! Croyez moi sur parole. Et pour le psy, je préfère y aller seul...au moins vous ne parlerez pas de moi.
Voilà les enfants l'histoire s'arrête là.

Anonyme a dit…

Ce débat sur le vécu et de l'écriture est passionnant.
Nous avons tous l'extrême conscience que notre vécu aussi douloureux ou traumatisant soit il est une matière que nous utilisons pour écrire.
Zoridae pour moi tu utilises ton vécu pour en faire une œuvre. C'est une démarche artistique.(il y a une interprétation, une restitution, une mise en forme ) Pour moi la "guérison" est déjà faite et l'écriture en est une preuve. Je pense que s'il est possible d'écrire, c'est qu'il y a déjà une distance et pour moi l'écriture n'est pas la "thérapie" mais sa conséquence.
Pas facile d'exprimer cela.
J'attends la suite de ton texte. J'ai aimé cette expression de la violence.