Ce soir mes sept quinquagénaires chantantes n'étaient que trois : Clorinde, la brune sexy aux paupières tirées, Didon, la ronde qui parle avec humour de sa maigreur depuis qu'elle a perdu dix kilos et Bianca, dynamique et positive, qui est ma mascotte dans le groupe parce qu'elle m'écoute, me regarde, comprend tout et s'enthousiasme beaucoup.
Quelques vocalises les font bailler à n'en plus finir :
"C'est bien dis-je, ce faisant vous étirez votre voûte palatale, votre langue et vous préparez les espaces de résonance." Nous saisissons les partitions d'un petit morceau de Mozart, arrangé pour deux voix de femmes lorsque Clorinde, sans que rien n'ait introduit son long récit se met à parler à toute vitesse :
" Hier j'ai eu une formation en gestion du stress, et bien je peux vous dire que c'est efficace parce que figurez-vous que mon fils Hector, âgé de 13 ans, dès mon retour, a piqué une colère pour une broutille. Une colère éclatante. Il est comme son père, quand ça sort, ça fuse !
A 20 heures, alors qu'il devait justement aller chez son père, il est parti en claquant la porte et en disant de toutes façons, vous êtes tous des enculés, je suis seul au monde et je vais fuguer.
Moi j'appelle son père, très calme, et je lui explique bon Hector va arriver il va peut-être avoir un peu de retard mais t'inquiète. Là je réalise que la formation c'était vraiment parfait que ce soit aujourd'hui parce que je ne me sens pas trop stressée, je gère bien je trouve. Pourtant, avant ça, j'avais eu un entretien pour un boulot et le DRH m'a avoué carrément qu'ils me trouvaient trop vieille : ils avaient peur que je ne m'adapte pas bien. Bon ils avaient raison sans doute. Moi aussi j'avais peur de ne pas m'adapter. Enfin bref. Vingt minutes après le départ d'Hector, je rappelle son père et il n'était pas encore arrivé . Il faut savoir qu'on habite à 300 mètres l'un de l'autre.
Là, c'est vrai, je commence à angoisser un peu mais pas trop, grâce à la formation. Je téléphone à l'ami d'Hector, Gérald, je demande Hector est avec toi ? Il n'y était pas.
Je sors, je fais le chemin jusque chez son père, il faisait moins cinq. Je regarde partout. Pas d'Hector. Deux heures s'étaient écoulées - impossible qu'il soit resté dehors par ce froid - lorsque j'ai pensé soudain il est à la cave.
Une intuition.
Il avait couché une planche par terre et il s'était endormi là. Il pensait que j'allais le trouver tout de suite. Quand je lui ai dit qu'il était plus de vingt-deux heures, il a paniqué, il s'est excusé, il ne pensait pas rester si longtemps. Son père est arrivé, Hector a fondu en larmes, il ne voulait pas du tout que ça prenne ces proportions. Il m'a juré qu'il ne le referait jamais. Puis, aujourd'hui alors que je l'accompagnais à son spectacle de théâtre il m'a lancé quand même j'ai des parents géniaux je trouve ! "
Clorinde se tait enfin, elle respire comme après un effort, en haletant, sourit et regarde ses comparses. Celles-ci, surprises par la fin du récit qu'elle pensait avoir enfourché comme un cheval fou, incapable de s'arrêter, sont coites quelques secondes.
Clorinde, toussote et ajoute "tout ça c'était pour vous dire que respirer, chanter, aller à la piscine c'est une bonne hygiène de vie, il paraît, pour lutter contre le stress. Comme c'est ce qu'on fait avec Zoridae... enfin sauf la piscine..."
Alors les questions et les commentaires fusent :
"Et pour le boulot, il t'a vraiment dit ça ? C'est dégueulasse !",
"Quel soulagement, quand même, cette petite phrase d'Hector tout à l'heure. Tu as dû être émue ? "
"Bon comme ça tu es tranquille, tu sais qu'il ne recommencera pas. Et puis, pour sa prochaine colère tu sauras où le chercher."
Rires.
Enfin Bianca me cherche du regard, me trouve et lance "Et si on travaillait ce petit Mozart que j'adore ?"
Toutes acquiescent avec joie, Clorinde, plus que les autres, qui s'est déchargée de son fardeau.
Après deux phrases de l'Ave Verum, enchaînées presque harmonieusement, Didon pouffe : "Cette phrase*, ça me fait trop penser à Bite à pattes...
- Oui ! D'ailleurs les filles on a un point Carla à faire, s'exclame Bianca, presque sérieusement. On avait dit trois et maintenant c'est quatre. Qu'est-ce qu'on fait ? Ou plutôt comme il fait lui ?"
- Trois ? demande Clorinde. J'étais restée à deux : Ferrari et Rachida...
- Et Panaf ! ajoute Bianca en bondissant, tu oubliais Panaf !
- Ah !
- Et y'avait pas Carole Bouquet sur la liste ?
- Non, finalement, c'était une fausse info.
- Donc, récapitule Bianca, toujours consciencieuse, on avait Rachida le matin, Panaf l'après-midi et Ferrari la nuit. C'était parfait. La Carla elle vient foutre le bordel, pardonnez l'expression !
-De toutes façons, elle, elle fait que ça ! crache Clorinde !
- Ouais après le coup Enthoven, le père puis le fils...
- Et Julien ! Elle s'est même tapée Julien... ça ça m'a foutu les boules... pas le droit de toucher à mon beau Julien Clerc, grogne Didon. Et puis c'est pas le seul, chez le coiffeur, j'ai lu la liste de ses amants, y'en a un paquet !
- Enfin bon dit Clorinde, il aurait pu faire ça discrètement mais Mr Bling-Bling n'a pas pu s'empêcher de rameuter la presse ! Alors autant je le trouve efficace en politique, autant je trouve qu'il fait n'importe quoi en dehors !
- Oui, où il aurait pu s'abstenir râle Bianca. C'est quoi ce monde ? Il est divorcé depuis deux mois. Il a joué le célibataire au coeur brisé cinq minutes et... Pffffffff !
- C'est pour cela que je l'appelle bite à pattes, s'écrie Didon ! Franchement ! En plus, révéler tout ça à Disneyland ! C'est d'un mauvais goût !
- T'as raison ! Si encore il était allé au Parc Astérix, soupire Bianca, au moins c'était de chez nous !
- Bon on reprend au début, lancé-je timidement ?
- Oh oui, allons-y ! J'adore ce chant, s'exclame Bianca !"
*(La phrase en question commence par Cujus latus perforatum... et elle signifie je crois Dont le côté est perforé. Le hic c'est que cujus se prononce couillous...)
14 commentaires:
Très drôle ! Ils sont dissipés, tes élèves, dis-donc ! Ca doit pas être facile de faire chanter des trucs en latin ! :-)
euh comment dire... il faut dire à Clorinde que Bite à pattes n'est pas efficace en politique... ça lui fera peut être un choc mais bon^^
D'accord avec Néa sur l'efficacité supposée du petit Nicolas.
Mais il faut dire aussi à tes élèves, que le petit Nicolas prend exemple sur son copain Georges, le W, pas le what else, ce serait trop mieux.
Donc il prend exemple sur le Georges qui a le voir marcher semble atteint de couillonite aigüe, et ça c'est irrécupérable.
Comme les bitapates.
Le bitapate n'en sortira pas grandi, je crois bien. Comme le dit Filaplomb, madame Burni est une mangeuse d'homme, si mariage il y a, il aura intérêt à beaucoup jouer au loto.
@Nea : je lui ai dit mais elle (qui était de gauche avant) trouve génial qu'"il fasse des choses que personne n'a eu le courage de faire avant". Comme, par exemple, s'attaquer aux trente-cinq heures.
@Dom : j'adore "bitapate", le mot, pas l'énergumène ! J'aurais dû intituler mon billet Bitapate couillon !
@Balmeyer : En attendant on va avoir, peut-être, un mariage royal... aux frais de la princesse, comme on dit !
Petit salut en passant sur votre glog suite à votre commentaire. Je reviendrai vous lire plus en détail. A bientôt. (http://baratin.hautetfort.com/)
@Marc : Merci d'être passé, à bientôt alors !
J'adore venir te lire avant d'aller me coucher. Petit moment de vie qui s'écoule. Toujours de l'émotion, toujours du rythme, c'est comme une musique sur une pause café...
Merci !
(l'histoire de Clorinde m'a fait pensé à "la fugue", par là )
(je viens de comprendre pourquoi mon commentaire sur l'article précédent n'était pas passé... je suis parfois un peu nouille avec les cases à cocher...)
Merci Nyl et merci de m'avoir mis le lien sur ton beau post, très bien écrit, très bien raconté...
Repasse quand tu veux, nuit et jour !
une histoire pleine d'enseignement
puissions nous toujours , comme Clorinde à ce moment là , avoir la bonne réaction
parce que de cette réaction juste et tempérée , découle la réaction de l'enfant
et parfois attention les dégâts
Aux pays des rombières et du 'je te cause pour mieux m'entendre" , mais aussi, le pays du temps qui passe inexorable en sachant qu'il y a une fin , l'inconnu en robe blanche, le futile prend parfois le pas sur d'autres réalités pour ceux et celles qui n'ont peut-être jamais eu l'occcasion de vivre des émotions profondes , ou qui n'en n'ont jamais eu conscience.. Education oblige !!!
lol, bite a patte, c'est bien trouvé comme surnom.
Si au moins ca pouvait l'équilibrer, ca ferait moins peur. Paske apreès tout, pour rester zen, le mieux, c'est encore de faire l'amour.
Bitte à pâte, euh, non, bite à patte, moi qui le trouvait court sur patte... est-il aussi court sur bite ?
J'attend avec impatience les mémoires de la belle Carla (ça ne va pas tarder, d'ici quelques années elle aura déjà écrit plusieurs volumes dont un consacré à bite à patte, c'est sûr...)
bien rigolo ce billet et bon courage, les caves peuvent parfois s'amménager en havre de paix...
Meilleurs voeux !
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