samedi 5 avril 2008

Ma vie a côté de moi

En cours, l'expression d'une élève - avec cette façon de faire rouler le r sur la langue, le brillant du i, un peu naïf, le a clair mais profond - me tord les boyaux parce qu'elle me rappelle Zacharie. Une envie violente d'être près de lui, d'écouter ses babillages, de regarder rouler ses petites voitures sur les bras du canapé me laisse à deux doigts de planter là la jeune chanteuse, qui ânonne une chanson de Brel.


Ce soir, essayant de faire oublier à mon fils la crémaillère forcenée des voisins du dessous, je rêve d'écrire. Des phrases surgissent, parfaites, elles défilent soumises, merveilleuses, pleines de métaphores célestes. Des adjectifs élégants comme des chemisiers à boutons de diamant se bousculent et trébuchent à leur suite. Les verbes intransitifs, drapés dans leur réputation d'incorruptibles, calment la fougue saugrenue de certaines phrases à rallonge. La rythmique est passionnée, chaque syllabe trouve sa place dans la mélopée ensorcelante d'un texte fabuleux. Mais je n'ai pas de stylo à portée de main. Et d'ailleurs, dans ma main, les petits doigts de Zacharie, reposent, sursautent, m'agrippent. Les phrases filent tandis que j'en répète d'autres en boucle, éperdue, sachant que j'en aurai oublié la plupart tout à l'heure.


Il est 23h24 et toute velléité d'écrire m'a abandonnée. Pantelante, je valse d'une page à l'autre sur le WEB. Parfois j'ajoute une plaisanterie à la litanie des commentaires mais les mots se dérobent et sont remplacés bientôt par des signes de ponctuation. Mes épaules sont douloureuses, ma nuque raide, sujet verbe complément, sujet verbe adjectif, je n'arrive plus à sortir de cela, comment sortir de cela ? JE SUIS FATIGUEE !


Couchée, je cherche le sommeil sous une pile de couvertures. Une note dans ma tête s'étire langoureusement, discrète au sein de mélismes sirupeux. Une voix s'élève, mes lèvres scandent un refrain anglais, papapapa, tadam ! Ma gorge vibre de contenir la mélodie... Mes pieds s'agitent.


Illustration
: Elisabeth Arena

17 commentaires:

Nicolas Jégou a dit…

"Mes pieds s'agitent"

La suite ! La suite !

Ellie a dit…

J'ai visité les blogs de tes illustrateurs et je les ai trouvés magnifiques.

Bon dimanche !

(j'espère que Kéké a quand même bien dormi)

Didier Goux a dit…

C'est curieux, il m'est arrivé à peu près la même chose cette nuit (plutôt sur le matin, je pense). Moi, c'était des dialogues superbes, drôles, etc., qui s'enchaînaient avec une facilité déconcertante et très jouissive. Le pire, c'est que je suis incapable de déterminer avec certitude si je dormais ou étais éveillé. Probablement entre les deux.

Au réveil, plus rien, bien évidemment.

Tifenn a dit…

Melismes ...c'est de la musique aussi...je vais en chercher le sens.

Christie a dit…

la vie du mot est un mystère qui nous gratte les neurones au rythme de nos émotions, papillons métaphoriques qui parois daignent s'exposer au moment où l'on s'y attend le moins !

Dorham a dit…

Créer en s'endormant est la plus jolie des choses que je connaisse. Pour me rassurer, je me suis convaincu que toute phrase anéantie avec le sommeil ne peut valoir la peine ; bien entendu, ce n'est pas vrai, mais à la longue, on finit par y croire un peu...

Attention, écrire, ça peut vous manger...

Zoridae a dit…

Nicolas,

La suite c'est une mauvais nuit...

Ellie,

Je suis ravie que tu aies visité ces sites...

Bon dimanche à toi.

Non, Kéké n'a pas bien dormi, et nous non plus. Mais après 3 litres de café, ça va !

Didier Goux,

Le pire c'est qu'après ça j'ai encore rêvé de bruit, de blogs et de mots...

Tifenn,

On en trouve surtout dans la musique orientale...

Christie,

Et parfois, le moment qu'ils choisissent pour apparaître n'est carrément pas le bon !

Anonyme a dit…

Souvent les mots arrivent au moment où l'on a rien pour les poser... trop souvent je trouve.

Dorham a dit…

Et moi ?

Je suis vexé... :-)

Zoridae a dit…

Dorham,

Nos commentaires se sont croisés banane !
Oui, moi je pense toujours à mes histoires en m'endormant. Je trouve qu'à ce moment là les idées foisonnent. Malheureusement je ne partage pas avec toi cette idée rassurante que tout ce qui a été oublié ne valait rien. Je suis sûre que des trésors de littérature ont été perdus pendant le sommeil de grands écrivains !

Puis, en ce moment, c'est vrai je suis dévorée par l'écriture. Je ne pense qu'à ça. Je n'ai envie que d'écrire. Et forcément, puisqu'il faut bien vivre, avoir une présence familiale, des liens sociaux, un travail, je suis assez frustrée...

Nelly,

Oui. Trop souvent !

Dorham,

Banane, tu mériterais de rencontrer Gunther !

Cathiminie a dit…

orientée vers votre blog par ma copine Trub toute nue, je prends plaisir à découvrir vos textes...mais il y en a un...je me crève les yeux...A quand une édition papier...l'écran me fatigue et du coup que de mots inaccessibles!! bonne chance pour Romans...pâsque wwououou lé wallez buien...

Dorham a dit…

Zoridae,

j'avais compris, mais "banane" ça me va bien. Quant à Gunther, je t'en supplie, ne le préviens pas...

Pitié :-(

Anonyme a dit…

ah oui! c'est drôle cette coïncidence...
On dit comment déjà, que les grands esprits se ressemblent?

Zoridae a dit…

Coumarine,

Je crois qu'on dit qu'ils se rencontrent...

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Moi, c'est souvent face a la glace le matin, en me rasant, que les idees se bousculent. Apres, c'est trop tard, je ne peux plus attraper qu'une petite retardataire. Quelle barbe !

Zoridae a dit…

Vagant,

Bien dit !