On l'a déposé sur mon ventre et il a hurlé pendant longtemps.
De toutes ses forces, il gesticulait, tendu comme un arc de douleur et de peur.
Il glissait, contre mon flanc et j'osais à peine le retenir, il me semblait que je pouvais le briser.
Je disais il est si petit, mon petit, mon tout petit. Je posais les mains contre son dos, je soutenais ses fesses comme le préconisait Frédérick Leboyer dont j'avais lu "Une naissance sans violence".
Je tentais de l'envelopper, de le rassurer. Déjà, je voulais le protéger, non du monde alentour mais de l'idée même de la souffrance, du chagrin, du vide.
Le monde, tapissé de blanc, se taisait, immobile, à l'écoute de la voix aiguë, puissante, qui demandait ardemment des explications. Et nous, riant sans nous moquer, bouleversés, les oreilles envahies par cette mélopée intarissable, nous détaillions les traits angéliques du minuscule visage renfrogné, les doigts immenses, le corps gracile.
B. répétait il est si petit, tu as vu son petit nez ?
Je répondais et ses tout petits ongles ? Regarde ! Comme ils sont délicats ! Mon tout petit...
Nous ne nous lassions pas de le découvrir ; notre regard, avide, tournoyait dans le pavillon parfait de ses oreilles dentelées, glissait le long de son nez, caressait le crâne sous le bonnet blanc.
Zozo se tut d'un coup et entreprit à son tour de nous observer. Sa bouche tendue comme pour embrasser lui donnait un air circonspect de circonstance mais son regard profond paraissait déjà sage.
Zozo ne nous interrogeait plus, il nous comprenait et le trouble que sa voix avait jeté, ses yeux l'apaisèrent. Nous nous sentîmes renaître.
En moi, grondait le flot tumultueux de l'amour maternel, une vague qui se gonflait de tout ce que j'avais en moi, de ce que je regrettais, et de ce que je voulais, pour mon fils, inventer de toutes pièces.
Soudain, Zozo s'appuya sur ses poings fermés et leva la tête. Il y mis toutes ses forces.
Avec une volonté terrible il rampa, son ventre contre le mien, pour se rapprocher de mon sein. Sa petite bouche étonnée, s'ouvrait et se refermait comme celle d'un poisson. De sa gorge, un son très doux, un roucoulement plaintif, un chevrotement étonné, émergeait. Il semblait rire, un peu timidement, d'une joie qu'il n'était pas bien sûr de deviner. Il voulait téter.
Les choses ne furent pas simples d'abord.
Zozo s'impatientait, il ne savait pas faire et il ne voulait pas qu'on l'aide. Pendant trois jours il ne se nourrit quasiment pas, hurlant dès qu'une sage-femme tentait de lui fourrer un sein dans la bouche.
Plusieurs fois il saisit un téton, le serra entre ses gencives et je mordis ma main pour ne pas crier, murmurant, oui, oui, mon bébé, vas-y, mon tout petit, tète, boit...
Un jour enfin, le lait coula et Zozo l'aspira à grandes goulées.
B. et moi ne commentâmes même pas le miracle tellement nous avions peur de l'interrompre.
Le corps chaud de mon bébé semblait fondre contre le mien, ses yeux, amoureusement, caressaient mon visage las, ses mains happaient l'air contre ma peau et B. nous accompagnait de sa présence rassurante.
Peu à peu, les paupières de Zozo s'abaissèrent. Sa mâchoire se détendit. Son visage roula sur ma poitrine.
La bouche ouverte en un O de bonheur, repu, il s'était endormi.
De toutes ses forces, il gesticulait, tendu comme un arc de douleur et de peur.
Il glissait, contre mon flanc et j'osais à peine le retenir, il me semblait que je pouvais le briser.
Je disais il est si petit, mon petit, mon tout petit. Je posais les mains contre son dos, je soutenais ses fesses comme le préconisait Frédérick Leboyer dont j'avais lu "Une naissance sans violence".
Je tentais de l'envelopper, de le rassurer. Déjà, je voulais le protéger, non du monde alentour mais de l'idée même de la souffrance, du chagrin, du vide.
Le monde, tapissé de blanc, se taisait, immobile, à l'écoute de la voix aiguë, puissante, qui demandait ardemment des explications. Et nous, riant sans nous moquer, bouleversés, les oreilles envahies par cette mélopée intarissable, nous détaillions les traits angéliques du minuscule visage renfrogné, les doigts immenses, le corps gracile.
B. répétait il est si petit, tu as vu son petit nez ?
Je répondais et ses tout petits ongles ? Regarde ! Comme ils sont délicats ! Mon tout petit...
Nous ne nous lassions pas de le découvrir ; notre regard, avide, tournoyait dans le pavillon parfait de ses oreilles dentelées, glissait le long de son nez, caressait le crâne sous le bonnet blanc.
Zozo se tut d'un coup et entreprit à son tour de nous observer. Sa bouche tendue comme pour embrasser lui donnait un air circonspect de circonstance mais son regard profond paraissait déjà sage.
Zozo ne nous interrogeait plus, il nous comprenait et le trouble que sa voix avait jeté, ses yeux l'apaisèrent. Nous nous sentîmes renaître.
En moi, grondait le flot tumultueux de l'amour maternel, une vague qui se gonflait de tout ce que j'avais en moi, de ce que je regrettais, et de ce que je voulais, pour mon fils, inventer de toutes pièces.
Soudain, Zozo s'appuya sur ses poings fermés et leva la tête. Il y mis toutes ses forces.
Avec une volonté terrible il rampa, son ventre contre le mien, pour se rapprocher de mon sein. Sa petite bouche étonnée, s'ouvrait et se refermait comme celle d'un poisson. De sa gorge, un son très doux, un roucoulement plaintif, un chevrotement étonné, émergeait. Il semblait rire, un peu timidement, d'une joie qu'il n'était pas bien sûr de deviner. Il voulait téter.
Les choses ne furent pas simples d'abord.
Zozo s'impatientait, il ne savait pas faire et il ne voulait pas qu'on l'aide. Pendant trois jours il ne se nourrit quasiment pas, hurlant dès qu'une sage-femme tentait de lui fourrer un sein dans la bouche.
Plusieurs fois il saisit un téton, le serra entre ses gencives et je mordis ma main pour ne pas crier, murmurant, oui, oui, mon bébé, vas-y, mon tout petit, tète, boit...
Un jour enfin, le lait coula et Zozo l'aspira à grandes goulées.
B. et moi ne commentâmes même pas le miracle tellement nous avions peur de l'interrompre.
Le corps chaud de mon bébé semblait fondre contre le mien, ses yeux, amoureusement, caressaient mon visage las, ses mains happaient l'air contre ma peau et B. nous accompagnait de sa présence rassurante.
Peu à peu, les paupières de Zozo s'abaissèrent. Sa mâchoire se détendit. Son visage roula sur ma poitrine.
La bouche ouverte en un O de bonheur, repu, il s'était endormi.
20 commentaires:
magnifiquement décrit..!
tendre et inoubliable moment unique dans la vie d'une femme...devenue maman..
Tout est superbe : ce que tu as pu vivre avec ton bébé comme la façon dont tu l'écris ! Ce texte donne envie de devenir maman... ;-)
Moi, ça ne me donne pas envie de devenir maman.
indigo,
Oui, inoubliable... et que c'est émouvant de se souvenir de tout cela ! Merci pour ta visite :)
poumok,
Mon bébé surtout est superbe. Devenir maman est une chose incroyable.
nicolas,
Tu as tort. Surtout que ta coiffeuse serait peut-être d'accord pour être le père...
A la limite, je veux bien qu'elle fasse la mère !
magnifique leçon d'humanité qui est et restera une espèce mammifère...
La rencontre.
Unique.
Merci pour ce texte. Et les autres.
C'est déroutant de lire ces portraits à la suite : ton tout petit, mamie, l'homme-haine du métro.
Un individu se prend dans ta toile, et tu nous tisse son portrait. C'est beau, que ça fasse peur, parfois pitié, sourire aussi, ça émeut à chaque fois.
nicolas,
Désolée mais lolololol...
nea,
Oh ce n'est pas une leçon, juste une histoire quotidienne !
nelly,
J'imagine que ce doit être déroutant d'en lire plusieurs à la suite. Pour moi, il se passe plusieurs heures, parfois plusieurs jours entre deux textes...
Merci pour ton généreux retour.
c'est en effet l'un des moments les plus forts de la vie d'une femme
le plus fort ? peut-être
tu m'enchantes toujours
merci
la naissance de mon fils m'a laissé un souvenir inoubliable , mais la maternité des Lilas provoque un pru cette magie, enfin , c'est comme cela que je l'ai ressentie . la naissance est une rencontre entre la mère et l'enfant sous le signe de l'amour. mais tout ceci est au-delà des mots.
Le souvenir de la naissance de mon fils est n poème en soi.
C'est magnifique ! Ca me donnerait presque envie d'un deuxième kéké.
Note le presque.
c'est très doux, très beau, très chaleureux.. merci de ce moment si intime que tu partages ici..
Frisaplat,
C'est réciproque !
mc,
Oui la Maternité des Lilas est géniale, nous étions dans l'obscurité, seuls tous les trois, prendant longtemps. Ensuite B. a pu dormir sur place...
Balmeyer,
Parle-en à ta femme ;)
Yelka,
Merci à toi pour ta visite (dommage ton lien ne marche pas)...
Impossible, ce con avec son Penis Enlargé n'est plus apte à rien.
Signé : Madame Balmeyer.
N'empêche, qui est-ce qui, ce week-end, a dit à Zozo : "Mange plus si tu veux grandir plus" ? :-)
très émouvant et ça nous renvoi à notre propre histoire avec nos Zozos à nous, merci pour ce joli moment plein d'émotion ;-)
Madame Balmeyer,
Bienvenue ! Je suis désolée pour vous, n'hésitez pas à partager vos problèmes avec nous...
B.,
Chut...
Romy,
Je t'en prie :) Merci pour ta visite !
J'ai oublié de le dire (et surtout je savais pas quoi dire) mais j'ai adoré ce texte. Des passages m'ont replongé à la naissance de mon fils...Et voilà, juste merci.
Fishturn,
Oh ! Merci à toi ! Je suis très touchée.
(Tu sais tu peux dire n'importe quoi ici...)
A bientôt.
C'est vrai que c'est un super souvenir quand le nouveau né trouve tout seul le sein (il ne veut surtout pas qu'on l'aide !) et qu'il l'aggrippe avec une force surprenante pour un petit bout de chou comme ça. Heureusement qu'ils n'ont pas de dents!
Surprenant aussi l'apaisement immédiat une fois qu'il a "retrouvé" le sein maternel.
Je pense que ce n'est pas par hasard que le même mot soit utilisé pour le sein qui donne du lait et le "sein maternel" qui est en fait le ventre dans une certaine littérature.
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