Il est des matins où je sens mon bonheur fragile et versatile, sensible aux moindres souffles hivernaux qui le malmènent en tous sens jusqu'à me faire douter de son existence même, me rendant aussi noire en mon âme que glaciale de corps.
Dimanche était un de ces jours au ciel menaçant et aller au musée semblait une occupation spécialement indiquée, l'économie de paroles et de mouvement étant, en général, propice à ce que je ne sorte pas de mes gonds.
Nous avons choisi de découvrir la Galerie de paléontologie et d'anatomie comparée.
J'avais imaginé que, passés les squelettes que l'on apercevait dans l'entrée du bâtiment, il y aurait des animaux comme dans la Grande galerie de l'évolution.
"Il n'y a pas que des squelettes au moins ? demandai-je soudain, dans la file d'attente, à un groupe derrière nous qui avait l'air de savoir ce qu'il allait voir...
- On ne sait pas... Nous on vient pour ça alors... pour voir les squelettes de dinosaure me dit la mère d'un garçon sérieux de 7, 8 ans compulsant frénétiquement le plan du musée qu'il avait téléchargé sur internet... Il est fan."
Elle regarde Zozo, cherchant à s'échapper des bras de son papa pour courir dans les coins interdits : "c'est vrai, qu'à lui, ce n'est pas sûr que ça plaise... Il est peut-être un peu petit... Il a quel âge ?
- Bientôt deux ans !"
Mais avais-je envie de rétorquer, il est supra-intelligent, il comprend tout, d'ailleurs écoutez-le dire didosaure, n'est-ce pas phénoménal et adorable à la fois avec sa petite langue qui fourche ?
Un peu plus tard, pourtant, ce qui intéresse Zozo c'est effectivement de nous semer à travers un labyrinthe de squelettes (évite-t-il de les regarder ou est-ce nous qui trouvons rassurant qu'il n'ait pas l'air de remarquer tous ces os ?).
Il éclate de rire lorsqu'il voit nos sourcils courroucés surmonter un crâne de Glyptodon asper.
Une carcasse de cétacé, l'intéresse un moment ("tu as vu Zozo, la grosse baleine ?") il se pose sur un petit banc de cuir, je m'éloigne de quelques pas et je me laisse saisir doucement par l'ambiance du lieu. Le plancher craque, les visiteurs, sur la pointe des pieds, chuchotent, tenant, serrés contre eux, leurs sacs et manteaux de peur, sans doute, qu'un frôlement ne fasse écrouler l'ossature menaçante d'un Aeporis Maximus ou claquer la mâchoire gigantesque du Sarcosuchus imperator.
Dans la lumière automnale, presque clinquante, qui embrase l'ivoire des monstres d'autrefois, mon ouïe se fait fine et il me semble distinguer le cliquettement des os qui n'en finissent pas de vibrer, le doux clapotis des oesophages dans leurs bocaux, le balbutiement hébété du chat cyclope et des moutons siamois conservés, presque transparents, leur duvet de foetus ondoyant dans le formol.
Au premier étage, de nouveau, nous n'avons guère le temps de lire les explications sur les étiquettes, Zozo a recommencé à courir, à la recherche, cette fois, de la baleine géante.
Les lions, les loups ne l'intéressent pas, il doit se demander, sans oser le formuler à voix haute, ce qui leur est arrivé pour qu'ils semblent si différents de ceux qu'il contemple dans ses livres.
Dehors, il fait beau, les feuilles tapissent le sol et donnent à nos pieds le pouvoir de chantonner. Zozo, épuisé, s'endort dans sa poussette. Nous nous retrouvons seuls au café de la Grande Galerie de l'évolution, un peu hagards. Nous méditons sur la sieste que nous aurions pu faire si nous étions restés à la maison, nous regardons les dernières photos de Zozo sur nos portables respectifs.
Philippe Vandael goûte à côté avec des enfants et une femme. "Il a fait comme nous me dit B, il est allé direct au bar."
"Avant, il animait le Journal du Hard, ajoute B. ça fait drôle de le voir comme ça avec une femme et des enfants, je lui demanderais bien quel effet ça lui fait ? "
Cela nous rappelle nos folies de jeunesse, les bars en pleine après-midi pas le Journal du Hard, sauf que nous préférons, cette fois là prendre un café et un orangina.
Nous nous regardons, timidement dans les yeux, nous nous prenons la main au milieu des gobelets en plastique. Nous n'arrêtons pas de parler... Il y a longtemps que je l'aime et il me plaît tellement !
Finalement, c'est un beau, un merveilleux dimanche... Je n'avais pas de raison de m'inquiéter !
"Avant, il animait le Journal du Hard, ajoute B. ça fait drôle de le voir comme ça avec une femme et des enfants, je lui demanderais bien quel effet ça lui fait ? "
Cela nous rappelle nos folies de jeunesse, les bars en pleine après-midi pas le Journal du Hard, sauf que nous préférons, cette fois là prendre un café et un orangina.
Nous nous regardons, timidement dans les yeux, nous nous prenons la main au milieu des gobelets en plastique. Nous n'arrêtons pas de parler... Il y a longtemps que je l'aime et il me plaît tellement !
Finalement, c'est un beau, un merveilleux dimanche... Je n'avais pas de raison de m'inquiéter !
2 commentaires:
en tout cas , c'est comme tu l'as vécu et comme tu le racontes qui est beau
souvent le bonheur est là où on ne l'attend pas
et tant mieux !
Merci Frisaplat et bonne reprise !
Enregistrer un commentaire