La lecture d'une phrase peut vous poursuivre toute la journée.
Dans l'ombre de la moindre porte cochère, les mots se bousculent, prêts à s'agglutiner dans votre esprit et à dépecer les dernières bribes de votre santé mentale.
La force de narration balance au dessus de votre tête, le couperet qui vous ôtera le plus infime de vos espoirs.
Vous marchez et vos pas semblent marteler une à une les lettres d'un récit que vous auriez préféré ne pas avoir entrepris.
Soudain, un passant vous bouscule. Le choc de la collusion vous rappelle celui ressenti au surgissement du point final. Vous éprouvez le besoin de vous arrêter un moment.
Reprenant votre souffle, vous devinez, dans le brouhaha de la cité, un chevrotement, une plainte à peine entonnée : la petite musique du style de l'auteur se mêle aux battements de votre coeur. Craintif, vous reprenez votre marche, chancelant, saisi de superstition, vous croisez les doigts, vous parlez dans votre tête et vous essayez que votre discours soit plus convaincant, plus réaliste que celui que vous avez lu.
Mais rien n'y fait.
Vous levez un bras et, dans le drapé de votre tee-shirt, ondoient les desseins d'un cruel destin. Les lambeaux de ces vies relatées se mêlent à la vôtre.
Vous n'osez plus toucher la belle chevelure d'or de votre bébé.
Vous regardez ailleurs, cherchant l'oubli qui ne vient pas.
Ce n'est pas tant une phrase et les mots cruels qu'elle contient que tout ce qu'il y a derrière : des hommes, des femmes, des enfants qui souffrent, qui tuent ou qui meurent tragiquement.
Petite, j'adorais les Westerns, leurs brutales lois d'airain, les yeux perçants de Clint Eastwood, la respiration haletante d'une brune en danger, les jupons froufroutant des prostituées au grand coeur, les éperons cliquetant sur le parquet du Saloon, les duels au ralenti, la musique d'Ennio Morricone.
J'étais attentive au moindre détail et souvent, alors que le générique défilait, je me mettais à sangloter " c'est fini ? ça veut dire que le cheval, blessé d'une balle perdue, on ne saura pas ce qu'il devient ? Il est peut-être mort ? C'est ça, hein Maman, dis-moi, il est mort ?"
J'avais besoin que les portes de l'histoire soit closes et je ne supportais pas d'ignorer le sort d'un des personnages de l'histoire, fut-il anonyme.
Il y a longtemps que je refuse les "20 minutes", "Métro" et cie qui, anodinement, sur de petites colonnes accumulent les faits divers comme un musée des horreurs portatif.
B. se moquait de moi.
C'était devenu un jeu. Enfin presque un jeu.
Je tenais quelques heures, parfois plusieurs jours et, au petit déjeuner, un matin, je lui avouais ce qui me hantait, une tragédie, le masque impassible d'un tueur en série, la doux sourire d'un enfant disparu.
Ma voix se brouillait, mes yeux brillaient étrangement.
B. frottait sauvagement les siens et s'écriait : "super, encore une bonne journée qui commence ! ça me fait plaisir de déjeuner avec toi !" et il me serrait dans ses bras parce que j'avais de la peine à sourire.
Une fois, n'en pouvant plus, tentant de mettre des mots sur le nuage noir qui flottait au-dessus de ma tête, abattue dès le petit déjeuner je m'écriai "c'est juste que... la vie n'est pas gaie !"
Et puis, de temps en temps, dans l'océan des mots qui vous emportent, surgit une lueur qui allume dans votre ciel un espoir mirifique.
La beauté d'un geste d'enfant.
Un peu de poésie dans un monde de brutes.
La force de narration balance au dessus de votre tête, le couperet qui vous ôtera le plus infime de vos espoirs.
Vous marchez et vos pas semblent marteler une à une les lettres d'un récit que vous auriez préféré ne pas avoir entrepris.
Soudain, un passant vous bouscule. Le choc de la collusion vous rappelle celui ressenti au surgissement du point final. Vous éprouvez le besoin de vous arrêter un moment.
Reprenant votre souffle, vous devinez, dans le brouhaha de la cité, un chevrotement, une plainte à peine entonnée : la petite musique du style de l'auteur se mêle aux battements de votre coeur. Craintif, vous reprenez votre marche, chancelant, saisi de superstition, vous croisez les doigts, vous parlez dans votre tête et vous essayez que votre discours soit plus convaincant, plus réaliste que celui que vous avez lu.
Mais rien n'y fait.
Vous levez un bras et, dans le drapé de votre tee-shirt, ondoient les desseins d'un cruel destin. Les lambeaux de ces vies relatées se mêlent à la vôtre.
Vous n'osez plus toucher la belle chevelure d'or de votre bébé.
Vous regardez ailleurs, cherchant l'oubli qui ne vient pas.
Ce n'est pas tant une phrase et les mots cruels qu'elle contient que tout ce qu'il y a derrière : des hommes, des femmes, des enfants qui souffrent, qui tuent ou qui meurent tragiquement.
Petite, j'adorais les Westerns, leurs brutales lois d'airain, les yeux perçants de Clint Eastwood, la respiration haletante d'une brune en danger, les jupons froufroutant des prostituées au grand coeur, les éperons cliquetant sur le parquet du Saloon, les duels au ralenti, la musique d'Ennio Morricone.
J'étais attentive au moindre détail et souvent, alors que le générique défilait, je me mettais à sangloter " c'est fini ? ça veut dire que le cheval, blessé d'une balle perdue, on ne saura pas ce qu'il devient ? Il est peut-être mort ? C'est ça, hein Maman, dis-moi, il est mort ?"
J'avais besoin que les portes de l'histoire soit closes et je ne supportais pas d'ignorer le sort d'un des personnages de l'histoire, fut-il anonyme.
Il y a longtemps que je refuse les "20 minutes", "Métro" et cie qui, anodinement, sur de petites colonnes accumulent les faits divers comme un musée des horreurs portatif.
B. se moquait de moi.
C'était devenu un jeu. Enfin presque un jeu.
Je tenais quelques heures, parfois plusieurs jours et, au petit déjeuner, un matin, je lui avouais ce qui me hantait, une tragédie, le masque impassible d'un tueur en série, la doux sourire d'un enfant disparu.
Ma voix se brouillait, mes yeux brillaient étrangement.
B. frottait sauvagement les siens et s'écriait : "super, encore une bonne journée qui commence ! ça me fait plaisir de déjeuner avec toi !" et il me serrait dans ses bras parce que j'avais de la peine à sourire.
Une fois, n'en pouvant plus, tentant de mettre des mots sur le nuage noir qui flottait au-dessus de ma tête, abattue dès le petit déjeuner je m'écriai "c'est juste que... la vie n'est pas gaie !"
Et puis, de temps en temps, dans l'océan des mots qui vous emportent, surgit une lueur qui allume dans votre ciel un espoir mirifique.
La beauté d'un geste d'enfant.
Un peu de poésie dans un monde de brutes.
7 commentaires:
C'est très joli et je me retrouve beaucoup dans ce texte.Dans les sensations exprimées. j'en ai fait des poèmes qui dorment , quelque part dans un cahier de brouillon, feuilles éparpillées..
Il me reste le plaisir décrire quand la muse daigne me visiter.
Chacun réagit avec ses armes...et ses boucliers. Colere, peur, pleurs ou rage...
Elle est armée comme toi, de tant de sensibilité qy'elle souffre chaque jour, écrasée par les malheurs du monde.
C'est pour ça que je l'aime. Aussi...
On fait avec, ou comme on peut, sans mettre la tête dans le sable, tout en profitant d'un instant de bonheur, ces mots d'enfants, ou cet oiseau bleu là sous ta fenêtre.
J'apprends, jour après jour à profiter du moment présent, c'est pas toujours facile, mais c'est déjà un premier pas.
Oui, profiter de la vie, on en revient toujours à ça !
Mais c'est complexe. Lors d'un deuil on entend souvent cette phrase odieuse : "Regarde, il y a pire que de pleurer un mort. Une catastrophe naturelle peut faire des milliers de victimes.
Il y a plus malheureux que toi."
Le malheur des autres devrait-il rassurer ?
Mon coeur est comme une rivière qui se gonfle des peines du monde.
Mon coeur aussi est une éponge.Le malheur des autres me renvoie à cette image. Nous sommes peu de choses , à la fois forts et fragiles mais toujours humains ..
je vis avec un compagnon qui adore écouter les infos le matin et moi je déteste ça...c'est comme de manger quelque chose d'indigeste et qui vous reste sur le ventre toute la journée...
comment peut-on continuer de vivre en sachant la folie du monde?
vivre avec le désespoir et connaître l'espoir, embrasser l'instant présent et lorsque des sensations de néant et de non sens vous attrapent les tripes, aller embrasser les joues de vos enfants...
Merci Christie et Ly-Thi-Daï pour votre bel unisson...
@Tous : il est peut-être trop tard et peut-être n'avez-vous pas actionné le suivi par mail de ces commentaires... mais une question me taraude : avez-vous vu les liens dans ce billet ?
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