[Tous les dimanches (à peu près) je cite 7 paroles de blogueurs qui m'ont plu, touchée, emballée, inquiétée, interrogée...]
Il fait nuit depuis longtemps lorsque nous sommes reçus par la jeune urgentiste. Ambiance calme, un concerto de Vivaldi en sourdine, elle inscrit sur son dossier nom, âge, adresse, puis s'enfonce dans son fauteuil et demande ce qui nous amène. G. attend que je parle. Comme depuis qu'il est né c'est par mes paroles que sont dites les souffrances, les angoisses, les peurs.
Il se tourne très légèrement vers moi, il attend, alors je parle.
« Je… Je n’ai jamais vu ça », murmura le médecin. Devant l’air exaspéré de son interlocuteur, il s’empressa de saisir un stylo pour noter sa perplexité en majuscules sur une feuille de papier. Son visage reflétait un mélange de stupéfaction, de fascination et de dégoût. Cependant, il continuait à ausculter son patient, cherchant un indice dans sa gorge et dans sa tension. Après avoir examiné une dernière fois ses oreilles monstrueuses, il recula, comme s’il craignait d’être contaminé à son tour par cette aberration physique.
J’ai commencé par un mensonge. Il m’a dit:
Oh, moi ce que j’aime, personne n’aime.
Je l’ai regardé, avec ses beaux yeux ses cheveux longs balayés par le vent, sa stature d’homme bien fait, et j’ai pensé que non, ce devait être impossible.
Ah bon, c’est quoi?
Le Jazz.
C’est sûr, cette musique que j’entendais parfois sur les ondes le matin en allant à l’école, cette musique discordante, impossible à chantonner, bien trop irrégulière, non, je n’aimais pas, mais pas du tout.
Oh, mais j’adore le Jazz!
Je me lève ce matin. J‘ouvre les rideaux, prends mes cachets, donne à manger aux poissons (j‘ai oublié hier soir), et je déjeune, comme tous les matins. Je pense à ce que j’ai à faire. Il faut que je mette un pull en machine, que je fasse un chèque et que j’aille le poster. Il faut aussi que j’aille à la pharmacie. Il me reste seulement deux cachets d’antidépresseur. Il faut aussi que je nettoie l’aquarium, comme tous les mercredis. Je suis angoissé. Je me dis que c’est trop.
Vous l’avez peut-être remarqué, je ris avec beaucoup de conviction. C’est pour dissimuler que je pleure avec le même enthousiasme, c’est pour apprendre à vivre avec le tragique qui ne cesse d’être là. J’ai quand même fini par comprendre que cette sensibilité qui a causé bien souvent mon malheur dans sa collusion avec le ridicule, cette sensibilité était aussi ma plus grande richesse.
Tout avait commencé par un commentaire laissé sur son blog. Le commentaire était gentil et intéressant, elle avait cliqué sur le lien laissé. Une page s'était ouverte. Elle était claire, esthétiquement parfaite et les billets postés y étaient plutôt bien écrits, très bien écrits même, ce qui n'est pas si courant sur la blogosphère. Ce blog tenu par un homme contait sur un ton assez mélancolique ce qu'elle ressentait comme la fin d'une histoire d'amour. Elle laissa un commentaire à son tour.
Jeunes filles qui me lisez, écoutez bien ce conseil : gardez-vous de vous moquer des jeunes garçons ! Gardez-vous de les juger communs, vulgaires, sales, inférieurs ou minables, et surtout de le leur faire savoir ! Oh oui, car c'est très pernicieux, ces choses-là. Si vous faites honte à un garçon, vous brisez son estime de soi. C'est très douloureux. Et en même temps, vous vous posez comme la norme supérieure de cette estime. De ce fait, il pensera sans cesse à vous. Il s'attachera à vous, voire même, avec un peu de malchance, pour toute la vie. Il n'aura de cesse d'avoir reconquis son estime, c'est-à-dire la vôtre. Non, vraiment, mesdemoiselles, si vous vous moquez d'un garçon, sachez-le, il va falloir assumer. C'est-à-dire, ensuite, au choix, l'épouser ou le tuer.
Illustration : Ray Caesar
« Je… Je n’ai jamais vu ça », murmura le médecin. Devant l’air exaspéré de son interlocuteur, il s’empressa de saisir un stylo pour noter sa perplexité en majuscules sur une feuille de papier. Son visage reflétait un mélange de stupéfaction, de fascination et de dégoût. Cependant, il continuait à ausculter son patient, cherchant un indice dans sa gorge et dans sa tension. Après avoir examiné une dernière fois ses oreilles monstrueuses, il recula, comme s’il craignait d’être contaminé à son tour par cette aberration physique.
J’ai commencé par un mensonge. Il m’a dit:
Oh, moi ce que j’aime, personne n’aime.
Je l’ai regardé, avec ses beaux yeux ses cheveux longs balayés par le vent, sa stature d’homme bien fait, et j’ai pensé que non, ce devait être impossible.
Ah bon, c’est quoi?
Le Jazz.
C’est sûr, cette musique que j’entendais parfois sur les ondes le matin en allant à l’école, cette musique discordante, impossible à chantonner, bien trop irrégulière, non, je n’aimais pas, mais pas du tout.
Oh, mais j’adore le Jazz!
Je me lève ce matin. J‘ouvre les rideaux, prends mes cachets, donne à manger aux poissons (j‘ai oublié hier soir), et je déjeune, comme tous les matins. Je pense à ce que j’ai à faire. Il faut que je mette un pull en machine, que je fasse un chèque et que j’aille le poster. Il faut aussi que j’aille à la pharmacie. Il me reste seulement deux cachets d’antidépresseur. Il faut aussi que je nettoie l’aquarium, comme tous les mercredis. Je suis angoissé. Je me dis que c’est trop.
Vous l’avez peut-être remarqué, je ris avec beaucoup de conviction. C’est pour dissimuler que je pleure avec le même enthousiasme, c’est pour apprendre à vivre avec le tragique qui ne cesse d’être là. J’ai quand même fini par comprendre que cette sensibilité qui a causé bien souvent mon malheur dans sa collusion avec le ridicule, cette sensibilité était aussi ma plus grande richesse.
Tout avait commencé par un commentaire laissé sur son blog. Le commentaire était gentil et intéressant, elle avait cliqué sur le lien laissé. Une page s'était ouverte. Elle était claire, esthétiquement parfaite et les billets postés y étaient plutôt bien écrits, très bien écrits même, ce qui n'est pas si courant sur la blogosphère. Ce blog tenu par un homme contait sur un ton assez mélancolique ce qu'elle ressentait comme la fin d'une histoire d'amour. Elle laissa un commentaire à son tour.
Jeunes filles qui me lisez, écoutez bien ce conseil : gardez-vous de vous moquer des jeunes garçons ! Gardez-vous de les juger communs, vulgaires, sales, inférieurs ou minables, et surtout de le leur faire savoir ! Oh oui, car c'est très pernicieux, ces choses-là. Si vous faites honte à un garçon, vous brisez son estime de soi. C'est très douloureux. Et en même temps, vous vous posez comme la norme supérieure de cette estime. De ce fait, il pensera sans cesse à vous. Il s'attachera à vous, voire même, avec un peu de malchance, pour toute la vie. Il n'aura de cesse d'avoir reconquis son estime, c'est-à-dire la vôtre. Non, vraiment, mesdemoiselles, si vous vous moquez d'un garçon, sachez-le, il va falloir assumer. C'est-à-dire, ensuite, au choix, l'épouser ou le tuer.
Illustration : Ray Caesar
17 commentaires:
Voilà qui est original.
En fait, j'allais me coucher quand mon lecteur de flux me héla.
Je lirai demain matin dès l'aube vers midi.
Cuvée très moyenne : je n'y suis pas...
J'aime bien le texte de l'écrivaillon.
En fait...j'aime bien l'idée de choisir le récit. C'est un postulat qui m'intéresse naturellement...
Je suivrai ça...
Melina,
J'ai décidé de reprendre ces petites chroniques...
Didier Goux,
Au boulot !
Dorham,
Oui les textes de l'écrivaillon sont super mais les autres aussi. J'adore l'histoire de blogs... Le texte de Tifenn est très chouette aussi... En fait, bon j'adore tous ces extraits et les blogs dont ils sont issus !
Comment transmettre ma fierté et mon étonnement en découvrant que mon texte est cité sur le blog qui m'a donné envie d'écrire des récits ?
Je me lance à peine dans cette aventure virtuelle, sans savoir où elle me conduira, ni si j'en suis capable, en tâtonnant. Alors ces réactions m'encouragent, vous n'imaginez pas à quel point !
Je m'en vais découvrir la suite de ces extraits prometteurs maintenant.
Oh, ça fait drôle!
Merci. Beaucoup ;-). Et je dois dire que madame l'araignée demeure pour moi un mystère: comment fait-elle pour lire, écrire et trouver ce qu'elle lit en même temps qu'elle lit sur le papier, chante, fait à manger lit son B, et en plus reste toujours aimable...
Merci, ça me touche beaucoup.
Je vais aller voir les autres.
Excelente idée de proposer à tes lecteurs la lecture Louis par son blog "La vie de Louis le bipolaire" C'est un blog de qualité, sincére et courageux que je lis chaque jour.
Une bonne idée .
Chouette ! Une sélection du net !
Je découvre de jolis écrits. Merci !
Zoridae est un véritable service public à elle seule. Parce que le monde des blogs n'a pas assez de lecteurs, c'est difficile de lire... J'ai été intéressé par le texte de "Mots dits" et j'ai été voir ceux qui avaient plu aux autres commentateurs. L'amour des beaux textes est une maladie contagieuse.
c'est une super idée! comme si on découvrait de nouveaux livres dans un colis reçu! on sort les ouvrages, on les examine, on les retourne, on lit le résumé...
et on est totalement captivé!
Ecrivaillon,
Oh ! Vous me faites plaisir...
En tous cas, moi aussi je vais être une de vos fidèles lectrices ! Je le sens !
Bonne continuation !
Tifenn,
Tu es adorable ! Et coquine, toi qui jongle entre tes nombreux blogs et une activité professionnelle très prenante !
Pour ma part, je n'ai pas l'impression d'en faire tant que ça. Je ne chante pas très souvent... Je ne cuisine pas très recherché. Par contre, c'est vrai que je suis quasiment tous les soirs, voire plus, devant mon ordinateur. Avant d'aller bouquiner une bonne heure au lit...
Aude,
Ton récit était très bon et il m'a évoqué plein de choses sur les blogs, les rapports écrits... Je découvre ton blog et je suis épatée par ta production : tu n'arrêtes pas !
Marc,
C'est grâce à toi que je l'ai découvert ! Merci !
Eric,
C'est une idée que j'avais eu cet été et que j'avais abandonné à un moment. Et puis ces derniers temps j'ai eu l'impression de découvrir plein d'auteurs qui valent le coup d'œil et j'ai eu envie de partager cela !
Leïloona,
Ravie que ça te plaise ! Je le referai souvent, j'espère !
Mtislav,
Les maladies comme ça, j'en veux !
Merci de ta curiosité...
Charlemagnet,
Votre enthousiasme me touche ! Merci !
Merci aussi pour Louis
je l'ai encouragé à réouvrir un blog il y a quelques mois
Marc l'a découvert , hasard des choses , j'avais découvert celui de Marc sur un autre blog de Louis ...
Ces petits réseaux sont encourageants et chaleureux , belle idée de partager les phrases qui t'ont touchée
Je reviendrai lire tes billets
Jeanne,
Merci à vous pour cette visite et vos mots gentils... J'ai lié Louis parce que son blog m'a accrochée et passionnée... C'est une bien bonne idée de l'avoir poussé à bloguer !
Chère Zoridae,
Comme je le dis souvent, pleurer est la petite soeur jumelle de rire. Je vous remercie (avec du retard car je suis encore trés malhabile sur le net) de votre visite et de l'attention que vous avez porté à mon tout nouveau site. Au plaisir de vous y revoir. Frédérique MARTIN
Frédérique,
Votre visite et votre petit mot me font très plaisir. Votre billet, cité ici m'a émue aux larmes et fait sourire en même temps. Tout ce que vous y dites résonne encore en moi ; ce sont des choses que je ressens depuis longtemps sans les avoir exprimées aussi bien que vous.
Je me réjouis à l'idée de lire prochainement votre recueil de nouvelles... en attendant, je suis votre carnet avec délectation...
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