Boudeuses, nous étions assises sur le canapé d'angle. Mon père nous avait ordonné de venir parce qu'ils avaient une surprise pour nous. D'un pas léger, il était allé nous chercher un verre de lait que nous sirotions lentement, regardant nos Playmobils interrompus en pleine bataille..
Notre belle-mère, Elisabeth nous souriait avec entrain mais nous ne nous fatiguions pas à lui répondre ; avant de nous engager dans des émotions violentes nous préférions que notre père annonce clairement la couleur.
"Elle est où la surprise alors ? demandai-je poliment.
- Et bien, elle n'est pas encore visible mais ça ne saurait tarder... répondit mon père énigmatique.
- Ah !"
Anna soupira carrément puis elle murmura, impatiente :
"Bon ben en attendant on n'a qu'à aller jouer ? Et pis vous nous préviendrez quand elle sera là !
J'approuvai d'un hochement de tête quasi hystérique.
- Mais vous n'avez même pas deviné ce que c'était ! s'exclama mon père désappointé.
- Allez, on vous aide intervint ma belle-mère. En fait, elle est déjà là mais elle n'arrivera vraiment que dans 5 mois.
- Euh, tentai-je... Ça arrive par la poste ?
- Pourquoi ça met si longtemps c'est nul ! maugréa ma sœur.
Du bout du pied, elle poussait le tigre en direction d'un de mes cowboys. Je lui pinçai le bras discrètement.
- Aïe, brailla-t-elle.
Je lui intimai le silence d'un regard sombre.
Soudain j'eus une idée :
- Des vacances ? Vous allez nous emmener aux Etats-Unis avec vous la prochaine fois ?
Ils n'osèrent pas se regarder. Les choses ne semblaient pas prendre la direction qu'ils avaient envisagée.
- Bon, allez, je vous aide beaucoup là, s'énerva mon père, c'est une surprise qu'on doit attendre neuf mois en tout.
Mais nous étions déçues. Anna avait croisé les bras sur son ventre. Je me rongeais les ongles.
- Je ne sais pas. Aucune idée, avouai-je, agacée.
- Une petite sœur, annonça Elisabeth, crispée. Vous allez avoir une petite sœur... Je suis enceinte.
- Nous allons avoir un bébé, conclut mon père, fièrement.
Anna et moi échangeâmes un regard. Nous étions déçues, affreusement. Ils espéraient que nous exprimions notre joie mais nous en étions incapables. Nous aurions préféré un voyage.
- Chouette, super, dis-je, poliment.
Il y eut un silence puis Anna glissa du canapé vers le tapis. Elle saisit son tigre. Inquiète, je jetai un œil au couple sur le canapé. Mon père tapotait l'épaule de ma belle-mère qui regardait le mur, de l'autre côté de la pièce.
Je m'élançai sur mon cowboy avant que le tigre ne lui dévore un bras. Tacitement, nous décidâmes d'allier nos forces pour dévorer le bébé Playmobil qui babillait bêtement.
(A suivre...)
Illustration : Karen Preston
26 commentaires:
je profite d une pause pour te lire, ca faisait longtemps. je t embrasse
natalys
ai-je eu la berlue ? j'ai lu un autre texte que celui-ci cette nuit ? étais je déjà dans mes rêves ?
Bon, déjà, premièrement, si j'ai un autre môme, pour l'annoncer, j'éviterai le style "on a une surprise !"
Je suis admiratif de ta concision. De ton sens du mot juste.
chapeau !
en même temps je me mets à la place du père, pas facile d'annoncer la venue d'un petit être et donc l'officialisation pour les enfants que ça y est on entre dans l'ère des familles des demi-soeurs (brrr... quel nom affreux), des belles mères (ce qui fait penser à Cendrillon aussi) !
Natalys,
Oh !
Une lectrice de Malaisie !
ça va sinon ?Vous nous manquez...
Le chat huant,
Non, il y a bien eu un texte cette nuit et puis je l'ai supprimé. Il reparaîtra peut-être plus tard. De toutes façons, je ne l'ai pas effacé partout...
Dorham,
Et bien oui ! Moi aussi !
Tu es bien gentil :)
Gaël,
Merci !
Je ne sais pas si mon père s'inquiétait de tout cela, il croyait sincèrement que nous serions contentes... Mais une grossesse pour les enfants c'est trop abstrait !
la grossesse le devient beaucoup moins quand la future maman engloutit l'ensemble des réserves de chocolat du foyer au nez et à la barbe des enfants !
:)
J'adore ce texte ! Et celui de cette nuit aussi d'ailleurs ;o)
très belle évocation d'une situation difficile.
il se trouve que mes enfants ont le même père mais j'aurais fort bien pu être dans la situation de ta belle-mère.
par contre alors que ma fille n'apprécie pas particulièrement sa belle mère, elle aime beaucoup sa petite sœur (et a toujours beaucoup aimé), née d'un troisième mariage de son père.
il est vrai qu'elle ne vit pas chez eux.
par contre je peux témoigner que vivre avec les enfants de l'autre, son compagnon ou sa compagne, ce n'est pas toujours de la tarte, surtout quand, de chez elle, leur mère s'acharne à tirer les ficelles
toutes les situations sont différentes.
en lisant ton texte, j'ai d'abord pensé avec émotion aux deux fillettes, puis à la belle-mère.
Excellent. Quelques mots ont suffi à me replonger dans l'enfance. C'est pour cette force-là que j'aime tes textes ! Bon, du coup la douleur a pris le pas sur l'amusement On a le vécu qu'on peut !), mais ça ne m'a pas empêché d'apprécier grandement ce moment de lecture.
"je ne l'ai pas effacé partout..."
Ah ?
Gaël,
Tu crois ?
Loïs,
Tiens tu as changé d'icône ?
Merci :)
(Donc il y a plein de gens qui se couchent très tard. C'est Mtislav qui a été le plus fort... Il a réussi à commenter après la suppression, je ne sais toujours pas comment il a fait !)
Céleste,
Aujourd'hui j'aime beaucoup ma petite sœur et ma belle-mère de qui je suis très proche...
Je me suis aussi mise à sa place, des années après !
Marie-Georges,
Désolée pour la douleur...
Merci pour le reste :))
Dorham,
;)
Le bébé devient bien réel une fois à la maison !
Je ne me rappelle pas comment mes parents m'ont annoncé la venue de mes frères et soeurs (je suis l'aînée) mais je me souviens très bien de la nuit durant laquelle mon dernier frère est né...c'était la fête.
Merci pour ce retour dans mon propre passé et pour ce texte plein de subtilité !
Le chien avait pissé sur la moquette, le temps que je nettoie...
A part ça, félicitations !
Dodue,
Merci à toi pour la visite :)
Mtislav,
Euh tes félicitations sont en retard !
(Pour le chat si tu veux on le met avec les miens et on les trucide ensemble... Parce que je n'arrive pas à trouver où ils ont pissé exactement dans la cuisine et au bout de 15 lavages à la javel je les hais !)
moi aussi d'abord, j'ai vu un texte en me disant je lirai mieux demain ...
Ton histoire m'a fait penser à un ado de 17 ans qui fréquente le même atelier de dessin-pastel que moi (il dessine des voitures de course au crayon papier à tour de bras ...) : sa soeur est partie à Paris vivre avec sa mère et lui vit avec son petit frère, avec son père et sa belle-mère, qui a il semble, 15 ans de moins que le père. Donc elle a voulu un enfant, donc il lui a fait (comme on dit). La façon dont l'ado en parle laisse un grand malaise, il est d'une lucidité sur son père et sa belle-mère ... à la fois triste, tendre et impitoyable.
Je trouve aussi qu'il vaut mieux d'éviter du futur bébé à l'autre ou les autres enfants. C'est trop abstrait, trop ambivalent, et trop pas utile.
Zut j'ai cliqué trop vite : je voulais ajouter, que tu avais très bien décrit cette ambivalence, Zoridae.
Vous n'êtes pas là à votre meilleur (et, non, ce n'est pas du trollage...). D'abord (c'est un détail, mais il a son importance) : vous ne vous êtes pas (ou trop hâtivement) relue. Il ya des concordances de temps qui ne vont pas, et deux ou trois autres petites choses (je ne peux dire quoi vu que, sur cette page, on n'a plus accès au texte, que je n'ai pas pris le temps d'apprendre par coeur...).
Plus profondément : on vous devine très vite. Vous êtes trop impatiente de "dire", ce qui fait que votre suspense se trahit de lui-même avant sa révélation - vous vous "coupez" vous-même par trop de hâte.
Si on vous relit, on croit comprendre pourquoi (quand je dis "on", ça veut dire "moi"...) : votre trame est trop "classique", trop usée (la maman ou la belle-maman qui annonce une petite soeur dont nul ne veut) pour être traitée de façon "naturelle", si je puis dire.
(Leçon : soit vous traitez un sujet absolument original, et alors il y faut une manière parfaitement "ordinaire", qui se laisse oublier : soit vous traitez un thème rebattu et un angle inédit s'impose ; soit vous choisissez un thème rebattu ET une manière ordinaire, et, là, le génie est indispensable.)
En résumé : dans ce texte, on attend PLUS ou, paradoxalement, MOINS. Mais, là, il y a quelque chose qui ne colle pas.
Du reste, vous pouvez le deviner à la teneur de vos commentaires : hormis quelques compliments très convenus, chacun se dépêche de DÉVIER la conversation. Or, lorsque vous écrivez un BON texte (et cela vous arrive fréquemment), vous noterez que vos commentateurs (votre "cour", comme on dit chez moi...) parlent de ce texte et non de ses à-côtés, ainsi qu'ils le font ici.
(Pour un mec qui devait fermer sa gueule, vous avouerez...)
Audine,
Merci pour ton commentaire. Je crois qu'à tout âge il est difficile de voir un de ses parents construire une autre famille...
Mais je ne suis pas d'accord sur le fait qu'il ne faille pas en parler avant. Les amis autour de moi qui ont enfanté une deuxième fois m'ont rapporté que les enfants le sentaient bien avant qu'on le leur dise... Ils devenaient angoissés, collants, capricieux. Savoir, dans ce cas est mieux que rien...
Didier,
Je suis d'accord avec vous mais il fallait bien s'y remettre. Je ne prétends pas pouvoir être à un niveau d'excellence tous les jours. Je suis très consciente de ce que vous m'indiquez entre parenthèse...
Pour les fautes, je veux bien que vous me donniez le détail, je viens de me relire et je ne sais pas de quoi vous voulez parler. (Une astuce, en haut de cette page à gauche cliquez sur "afficher le message d'origine" vous verrez ainsi le texte apparaître...)
(Je tolère très bien que vous ne fermiez pas votre gueule lorsque vous ne vous montrez pas odieusement grossier avec des personnes que j'apprécie... Entre autres !)
Zoridae : oui bien sur. Mais entre dire et annoncer comme si l'enfant devait s'associer, comme s'il était obligatoire de s'en réjouir au moins autant que les parents, il y a plein de nuances.
Peut être faut il trouver à le dire comme si ça ne changeait rien (en tout cas rien de prévisible) dans le monde de l'enfant (tant que ça n'a rien de concret ...).
C'est sûr c'est pas du chocolat, mêm pas une petite voiture, ça veut rien dire...9 mois, c'est quoi, hier? demain? ah la la, le coup du bol en plus sur la table, ça interroge aussi, mais la surpriose, elle reste aux parents?
Je te découvre, et j'aime beaucoup.
Quelle efficacité
Merci
Juste une digression rapide pour dire qu'il ne faut jamais utiliser l'eau de javel avec des chats : ils en sont littéralement fous! Donc, ils font et refont pipi... de bonheur... Misère...
"Ils espéraient que nous exprimERions", et non "exprimions", qui ne va pas. Hier soir, j'avais vu autre chose, mais je ne le rerouve pas ce matin...
Et merci pour le "afficher le message d'origine" que je n'avais même jamais remarqué !
Audine,
Merci de ta précision... Dans ce cas, c'est vrai que je suis tout à fait d'accord avec toi : il n'y a aucune raison qu'un enfant se réjouisse de la venue d'une sœur ou d'un frère. C'est des années plus tard qu'on peut s'en réjouir !
Tifenn,
Et bien oui, les parents peuvent se féliciter d'agrandir la famille mais les enfants préfèrent les cadeaux :))
Arpenteur,
Merci :))
Grâce à ton commentaire, j'ai aussi découvert ton blog et j'en suis toute contente !
Strychnine,
Je sais, hélas, mais c'est encore ce qu'il y a de plus efficace contre l'odeur !
Didier,
Opf je ne suis pas sûre... En fait je pensais à "ils attendaient que nous exprimions"... Je trouve ça trop lourd avec ERIONS !
Ah mais, si vous remplacez "espéraient" par "attendaient", alors ça colle parfaitement !
Didier,
Mais pourquoi la règle de conjugaison serait-elle différente ? Espérer et attendre c'est quasiment la même chose !
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