Certains soirs, pour faire mon intéressant, il m'est arrivé de monter sur une chaise, de me draper dans un torchon à carreaux et de déclamer une poignée de vers avec des accès de lyrisme proportionnels à mon taux d'alcoolémie. Il s'agissait de l'extrait suivant :
« C'est pas marqué dans les livres
Le plus important à vivre
C'est de vivre au jour le jour
Le temps c'est de l'amour ».
Puis je bondissais sur le sol et, frémissant comme une étoile, j'alignais des entrechats si subtils que mon public en restait stupéfait. Enfin quelqu'un s'agitait sur son siège et lâchait :
"Mais Dorian, tu ne nous avais jamais dit que tu avais fait de la danse ?"
Souriant, je ne répondais pas, dissimulé à demi par le rideau de mes cils, je levais le menton pour recevoir la lumière des feux de la rampe, auréolé de l'arc de mes bras. Un de mes pieds effleurait mes omoplates porté par une jambe que j'imaginais couverte d'ocelles. J'attendais, suspendu dans l'espace, une envie de vivre qui ne venait pas.
Passées une dizaine de minutes, les gens s'inquiétaient. On chuchotait "Ça lui arrive souvent ?", "Il va rester comme ça longtemps ?". K. s'écriait "C'est grave docteur ?" provoquant une nuée de rires. Il est arrivé que certains s'en aillent, gênés, "Bon et bien nous on va rentrer !", "C'est pas tout ça mais il se fait tard". Ils ne me saluaient pas en partant, craignant de voir dans ma folie quelque chose qui leur manquerait.
Je quittais ma position par nécessité lorsque j'avais besoin de boire un autre verre. Alors, désaltéré, j'entonnais une chanson à boire d'un ton languide.
K. mimait à merveille "La Madelon". Notre spectacle était bien rôdé, les rires fusaient, les filles enviaient notre sens de la démesure ; en douce, elles ajustaient leur coiffure, rongeaient leurs ongles et se lançaient des remarques elliptiques - manière de déguiser leurs envies de baiser en haïku.
Il m'arrivait souvent de me demander ce que nous faisions. Je veux dire, de quoi s'agissait-il exactement ? De notre vie ? De notre jeunesse ? Perplexe, je jonglais avec les idées de bonheur, de désespoir et de mort...
Qui s'écraserait par terre en premier ?
"Continue bordel, braillait K., c'est pas le moment de rêver ! "
J'entamais le deuxième couplet.
[Ceci est ma participation au Sablier printanier, sur une amorce proposée par Alexandre et pour lequel vous avez vous aussi la possibilité de poster un billet avant midi demain. Toutes les participations à partir de cette amorce-ci sont regroupées là. Source de l'amorce : Réhabilitons un grand auteur, de M. LeChieur.]
Illustration : Bobi
Le plus important à vivre
C'est de vivre au jour le jour
Le temps c'est de l'amour ».
Puis je bondissais sur le sol et, frémissant comme une étoile, j'alignais des entrechats si subtils que mon public en restait stupéfait. Enfin quelqu'un s'agitait sur son siège et lâchait :
"Mais Dorian, tu ne nous avais jamais dit que tu avais fait de la danse ?"
Souriant, je ne répondais pas, dissimulé à demi par le rideau de mes cils, je levais le menton pour recevoir la lumière des feux de la rampe, auréolé de l'arc de mes bras. Un de mes pieds effleurait mes omoplates porté par une jambe que j'imaginais couverte d'ocelles. J'attendais, suspendu dans l'espace, une envie de vivre qui ne venait pas.
Passées une dizaine de minutes, les gens s'inquiétaient. On chuchotait "Ça lui arrive souvent ?", "Il va rester comme ça longtemps ?". K. s'écriait "C'est grave docteur ?" provoquant une nuée de rires. Il est arrivé que certains s'en aillent, gênés, "Bon et bien nous on va rentrer !", "C'est pas tout ça mais il se fait tard". Ils ne me saluaient pas en partant, craignant de voir dans ma folie quelque chose qui leur manquerait.
Je quittais ma position par nécessité lorsque j'avais besoin de boire un autre verre. Alors, désaltéré, j'entonnais une chanson à boire d'un ton languide.
K. mimait à merveille "La Madelon". Notre spectacle était bien rôdé, les rires fusaient, les filles enviaient notre sens de la démesure ; en douce, elles ajustaient leur coiffure, rongeaient leurs ongles et se lançaient des remarques elliptiques - manière de déguiser leurs envies de baiser en haïku.
Il m'arrivait souvent de me demander ce que nous faisions. Je veux dire, de quoi s'agissait-il exactement ? De notre vie ? De notre jeunesse ? Perplexe, je jonglais avec les idées de bonheur, de désespoir et de mort...
Qui s'écraserait par terre en premier ?
"Continue bordel, braillait K., c'est pas le moment de rêver ! "
J'entamais le deuxième couplet.
[Ceci est ma participation au Sablier printanier, sur une amorce proposée par Alexandre et pour lequel vous avez vous aussi la possibilité de poster un billet avant midi demain. Toutes les participations à partir de cette amorce-ci sont regroupées là. Source de l'amorce : Réhabilitons un grand auteur, de M. LeChieur.]
Illustration : Bobi
22 commentaires:
J'aime beaucoup l'atmosphère qui se dégage. Je prendrais bien une chaise pour m'asseoir et écouter le 2ème couplet !
Chic ! on t'a harponnée avec le sablier (faut le faire). Tout comme Franck, j'ai goûté à fond l'atmosphère que tu as campé !
Super ! En plus j'aime beaucoup cette atmosphère un peu absurde qui se dégage de ce texte, assez inhabituelle chez toi !
Bon, je tente de faire le prochain "sablier", tiens !
plusieurs fois que je te lis, je vote pour toi parce que je veux te lire encore et encore, j'aime tes histoires
Mmmm! Personnage déjanté, comme je les aime, atmosphère attirante, je reviendrai. :-)
Bien, bien, bien !
Mon frère (4 votes), ma soeur autant...
Franck,
Bienvenue et merci... En espérant te revoir bientôt (j'ai beaucoup aimé ton sablier aussi...)
Otir,
Et oui, vous m'avez eue !
Merci :))
Balmeyer,
C'est super si tu le fais aussi !
Anonyme,
Tu es le bienvenu ici qui que tu sois... Merci pour le vote !!!
Oxygène,
Bienvenue aussi (que de nouveaux lecteurs, c'est chouette !)... A bientôt alors :))
Catherine,
C'est bizarre parce que je n'ai eu que 3 voix de plus aujourd'hui ???
Peut-être n'ont-ils pas encore validé leurs votes... Enfin, je ne veux pas faire celle qui râle ;) Merci à vous pour ce que vous faites...
On dit pas : "auréolé de l'arc de mes bras". Les auréoles, c'est SOUS les bras.
un minimum de courtoisie conjugale devrait t'amener à ôter cette pub scandaleuse pour ton vote à toi !!
Nicolas,
Tu as raison, je corrige...
;)
Marc,
Que veux-tu dire ???
Je ne comprends pas du tout !
c'est pour rire bien entendu :-))) (bon par les blogs qui courrent... faut péciser...)
Marc,
Ouf ! Oui tu as raison, on ne sait jamais si je te collais un procès ;)
Ils auraient oublié de valider ? Je m'informe ...
Et 1 vote de plus. Bonne chance !
Catherine,
Ne vous inquiétez pas, il semblerait ce soir que je sois en dixième position... On dirait que les gens ont profité de leur dimanche pour voter :))
Merci encore !
Mifa,
Bienvenue et merci beaucoup pour le vote !
J'aime beaucoup votre (ton?) blog. Merci.
Bruno,
Merci à toi pour ta visite et ton dernier billet ;)
Bon trop fatiguée pour faire les comptes ce soir mais j'espère que ça va marcher pour Romans. Je veux absolument chanter les Nocturnes de Mozart en duo avec toi ma belle... Bises.
Marc --> voyant que c'était râpé pour moi, je me suis désisté en faveur de Zoridae ! :-)
Trub's,
Oh oui ! Quelle bonne idée !!!
Bal,
T'es trop généreux... L'année prochaine on se bat pour toi !
Finalement, ca te va bien d'aller, par exercice, dans d'autres univers. Ca n'entache pas ton style mais ca l'etend encore ! :-)))
[baiser en haïku nu ? faudra que j'essaie ! :-)) ].
Monsieur Poireau,
C'est parfois ce que je pense aussi.
C'est bien connu les apprentis écrivains ont le défaut de ne faire que des récits autobiographiques. C'est lorsqu'ils en sortent qu'ils deviennent de vrais écrivains.
Non ?
Il faudrait demander à Mr Filaplomb...
[Si tu fais ça, il faudra que tu l'écrives]
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