vendredi 20 mars 2009

Ouf

Hier, avant d'aller rencontrer Philippe Djian, je buvais du café quand mon téléphone a sonné. J'ai posé ma tasse assez haut sur le bureau et j'ai répondu ; c'était un de mes élèves, Benicio. Nous devions fixer un rendez-vous et en parlant j'ai commencé à gesticuler ; il me racontait sa réaction de perplexité à l'écoute des VRP et je lui donnais le titre d'un duo de Händel. En même temps je feuilletais mon agenda.

Soudain j'ai heurté la tasse de café du dos de la main. Je ne pouvais pas interrompre Benicio ou j'allais finir par être en retard. Je crains toujours d'arriver en avance mais je déteste que l'on remarque la précipitation de mes arrivées. Malheureusement, passer du temps à prévoir mes trajets à la minute près ne m'est, le plus souvent, d'aucun secours. Les impondérables se multiplient, empêchant mon exactitude naturelle de se manifester ; elle demeure donc secrète et moi mal connue. Quand je veux être à l'heure je suis obligée de partir en avance et je ne connais rien de plus inconfortable que de dépenser un quart d'heure sans savoir s'il sera vraiment utile, cela me rend presque physiquement malade...

Pourtant, je rêvais d'avoir une bonne place au milieu des nombreux invités chez Gallimard. Pour une fois j'avais pensé à préparer mon appareil photo et je voulais pouvoir réaliser un portrait de l'écrivain sans qu'une nuée de crânes ne fassent écran. Je sentais mon ventre noué par le trac et je devais encore me convaincre de poser une question dans la soirée, micro ou pas micro, aphone ou pas. Il ne restait plus beaucoup de temps pour cela. Nerveuse, j'ai épongé les chiffres du clavier avec une serviette en papier. Benicio me donnait son horaire pour le samedi 28 et je l'ai noté si vite que mon stylo a quitté la page et dérapé sur le bureau.

Avant de partir je suis allée jeter la serviette dans la poubelle. Le couvercle s'est balancé tranquillement au-dessus de l'unique trace de mon méfait. J'ai embrassé mon époux et mon fils et nous nous sommes souhaités une bonne soirée.

Je venais de noter ma question dans mon carnet, assise sur un strapontin du métro ligne 12 quand mon téléphone a sonné.
B., incrédule m'a demandé :
"Que s'est-il passé avec le clavier ? Il ne fonctionne plus..."
J'ai bredouillé quelque chose comme "Je crois que j'ai renversé un peu de café dessus, quelques gouttes.
- Quelques gouttes ? Quand j'ai retourné le clavier, il ruisselait. Comment as-tu pu être si maladroite ?
- Tu sais je suis nerveuse, je dois rencontrer Djian, quand même. Ne pense pas qu'à toi... Qu'est-ce qu'un clavier d'ordinateur à côté d'un écrivain ? Crois-tu que je me souviendrai de ce clavier dans dix ans ? D'avoir rencontré Philippe Djian, par contre..."
J'ai malheureusement été contrainte de couper la communication parce que B. n'avait pas l'air vraiment saisi par l'évidence de mon discours...

Ce matin j'avais envie de raconter la rencontre avec l'auteur d'Impardonnables, deux heures d'une intensité rare à converser à bâtons rompus en tout petit comité. Mais le billet aurait donné quelque chose comme ceci :

"Hir, avant d'llr rnontrr Philippe jin, j buvi u f un mon tlphon onn. J'i pos m t z hut ur l buru t j'i rponu ; c'tit un m lv, Bniio. Nou vion fixr un rnz-vou t n prlnt j'i ommnc gtiulr ; il m rontit rtion prplxit l'out VRP et j lui onni l titr 'un uo ¨nl."

Alors, ce sera pour bientôt...

18 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est là qu'on est heureux que le clavier ne soit pas solidaire du reste de l'ordi ! J'ai rencontré Hafid Aggoune et Régis de Sa Moreira au Salon du livre et je m'en souviendrai encore longtemps ;-)

Anonyme a dit…

"empêchant mon exactitude naturelle de se manifester "

Moi aussi, j'aime bien la science-fiction ! :)

Nicolas Jégou a dit…

Est-ce vraiment important de ne pas être en retard à un rendez-vous avec Christian Clavier ?

Didier Goux a dit…

Ça, quand on consent à rencontrer de mauvais écrivains, il faut s'attendre à une terrible vengeance, de la part des objets réputés à tort inertes...

Anonyme a dit…

Je ne dirais pas que Djian est mauvais, mais juste que je n'aime pas le lire. Les goûts, les couleurs...

Didier Goux a dit…

De toute façon, on ne devrait jamais rencontrer les écrivains. Surtout juste après un café.

mtislav a dit…

J'aime beaucoup ce billet. J'ai déjà nettoyé un clavier à grande eau en finissant au sèche-cheveux, c'est plus pénible que de payer une pension alimentaire... mais, c'est un fait, ça coûte moins cher.

Anonyme a dit…

1) Il ne faut pas faire 2 choses à la fois, dit celle qui en fait parfois 3 et +
2)Vivre l'instant présent à fond, par exemple : téléphoner; cela évite le stress (principe du Qi Qong) et prolonge la vie.
3)Pauvre petite femme maladroite, a t'on envie de plaindre !

Nicolas Jégou a dit…

Ca me rappelle la fois où ma mère, la brave dame, avait renversé sa bière sur son clavier mais n'osait pas avouer à ses potes qu'elle asticotait son PC en buvant sa bière quotidienne (oui, elle n'en boit qu'une seule, et encore, pas tous les jours) ! Elle avait du attendre mon retour en Bretagne pour que j'en achète un neuf !

Tifenn a dit…

a ah ah, depuis presque un an, je travailles sur un clavier supplémentaire, mon portable ne l'est plus..http://laviequonaime.blogspot.com/2008/05/en-photo-mais-sans-caf.html

Anonyme a dit…

"Hier, avant d'aller rencontrer Philippe Djian..." moi je m'arrête là parce que ces quelques mots me scient sur place! Djian est un écrivain que j'adore et admire, n'en déplaise à ceux qui pensent détenir le meilleur goût en matière de littérature! Tu nous raconteras dis????

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Zoridae a dit…

Sophie ! Ah oui, si l'ordinateur tout entier avait été abimé nous aurions été en dépression profonde ;) !

Balmeyer,

Quoi ? Quoi ?

Nicolas,

Ahah ! Très bon !

Didier Goux,

Qu'avez-vous lu de Djian ?

Sophie,

Et moi j'aime !

Didier Goux,

Le café était une mauvaise idée, surtout le soir et bu par une insomniaque mais je crois que j'avais besoin de me réchauffer...

Mtislav,

Dites-moi, votre clavier avait-il survécu ? Parce que le nôtre non... Et je voudrais tant pouvoir me dire que ce n'est pas à cause de mon mensonge par omission à ce sujet...

Meufeu,

1) Heureusement que tu te corriges toute seule parce que tu pourrais être mon exemple en cela !

2) Oui, mais quand on est en retard ? Depuis que les téléphones sont mobiles je fais toujours autre chose en téléphonant. Si je suis au lit au moment où il sonne, je me lève et je cherche quelque chose à faire en conversant...

3) Ah ! Enfin quelqu'un qui me plaint ! ;)

Nicolas,

C'est drôle, ça, que ta mère ait eu honte de dire qu'elle buvait une bière... Pas de quoi...

Tifenn,

Excellent, je viens d'aller lire ton histoire et figure-toi que j'avais penser faire pareil avec notre ordi-portable qu'il ne faut pas déplacer... Mais finalement ça n'a pas été nécessaire puisque B. a pu ramener un clavier de son travail...

Mots d'Elle,

Je veux le raconter, oui. Parfois je me dis que ce ne sera pas possible tellement ce moment a été lumineux pour moi... Mais je vais essayer, promis !

Catherine a dit…

Je pensais que c'était le clavier du téléphone, mais celui de l'ordinateur, c'est impardonnable. B. a raison d'être mécontent !

Zoridae a dit…

Ouch Catherine ! Alors vous me condamnez, vous aussi ?

Catherine a dit…

Un peu, quand même !

Anonyme a dit…

Un billet fort de café, qui plus est écrit avec un clavier qui fonctionne à merveille.

Colombine a dit…

Amusée...
j'aime beaucoup le dialogue de sourd entre le mari et sa dame...
C'était donc ce jour là, qui rendit le beau billet d'hier.. ça vaut bien un clavier !