avons l'impression d'être retombés sur les unités nationalistes que Franco a ramenées du Maroc ; nous sommes nombreux parmi les réfugiés, à avoir contracté les maladies qu'on attrape dans les lieux insalubres : la dysenterie, la paratyphoïde, le typhus que se transmettent les poux ; plusieurs d'entre nous supportent mal l'humiliation, d'autres n'y ont pas survécu, certains sont devenus fous en se voyant traités comme La pègre de Catalogne qui déferle sur notre Roussillon : c'est ce qu'on écrit le 10 février dans le journal Somatent, dirigé par le président du PPF, Jacques Doriot ; on nous traite de Rouges, ce qui est plutôt flatteur pour nous, puis aussi de tueurs, de bouffeurs de curés ; certains esprits faibles, peu fiables, prétendent que nous avons une queue semblable à celle du diable en personne, cachée dans les plis de notre liquette dépassant du pantalon ; des curieux, non moins faibles d'esprit, friables du cœur ceux-là, viennent rôder autour des camps, le dimanche, pour vérifier l'information ; les absurdités les plus échevelées circulent à propos de nos silhouettes dépenaillées, déambulant sur le sable, croulant sur le fardeau d'un désespoir qui ne s'évanouira jamais ; il y a de quoi perdre la raison ; dans les années cinquante, certains Espagnols errent à moitié fous dans les villes du midi de la France, après leur retour des camps allemands où ils ont été directement transférés depuis les camps français du Roussillon (...)"dimanche 8 novembre 2009
5 février 1939
avons l'impression d'être retombés sur les unités nationalistes que Franco a ramenées du Maroc ; nous sommes nombreux parmi les réfugiés, à avoir contracté les maladies qu'on attrape dans les lieux insalubres : la dysenterie, la paratyphoïde, le typhus que se transmettent les poux ; plusieurs d'entre nous supportent mal l'humiliation, d'autres n'y ont pas survécu, certains sont devenus fous en se voyant traités comme La pègre de Catalogne qui déferle sur notre Roussillon : c'est ce qu'on écrit le 10 février dans le journal Somatent, dirigé par le président du PPF, Jacques Doriot ; on nous traite de Rouges, ce qui est plutôt flatteur pour nous, puis aussi de tueurs, de bouffeurs de curés ; certains esprits faibles, peu fiables, prétendent que nous avons une queue semblable à celle du diable en personne, cachée dans les plis de notre liquette dépassant du pantalon ; des curieux, non moins faibles d'esprit, friables du cœur ceux-là, viennent rôder autour des camps, le dimanche, pour vérifier l'information ; les absurdités les plus échevelées circulent à propos de nos silhouettes dépenaillées, déambulant sur le sable, croulant sur le fardeau d'un désespoir qui ne s'évanouira jamais ; il y a de quoi perdre la raison ; dans les années cinquante, certains Espagnols errent à moitié fous dans les villes du midi de la France, après leur retour des camps allemands où ils ont été directement transférés depuis les camps français du Roussillon (...)"
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19 commentaires:
Gracias et merci.
Uovo,
De nada !
le monde a tellement changé depuis...
enfin l'Europe... pas le reste...
Dur de commenter cela, mais je me signale :)
D'autant plus dur que cet exil terrible a été également vécu par d'autres populations émigrantes. Cette histoire, c'est l'histoire de tant de familles...
Je voulais dire, au fil du 20ème siècle bien sûr, pas exactement ce jour là...bon, tu m'auras compris...j'aurais mieux fait de me taire, tiens...
Charlemagnet,
Oui, mais il y a toujours des camps de réfugiés...
Dorham,
Oui il y a plusieurs vagues au XXème siècle. D'ailleurs je ne connais pas bien les conditions d'exil des Italiens... Et toi ?
Chez les italiens, il y a eu plusieurs vagues. J'ai une partie de ma famille (paternelle, d'Ancone et de Venise) qui a émigré dans les années 20. Les uns sont partis en Suisse, les autres au Luxembourg et puis en France. Ils ont fui la pauvreté, les conditions furent terribles, dantesques. Mais je n'en sais pas plus, mes vieux étaient taiseux :)
L'autre partie de la famille (maternelle, sarde, moins taiseuse) est arrivée en deux étapes : dans les années 30 et puis aussi après la seconde guerre, pour des raisons essentiellement politiques (ils étaient communistes et/ou résistants). Dans de bien meilleures conditions.
Et à cette même période, racontée par une femme :
http://teleobs.nouvelobs.com/rubriques/on-annonce/articles/elles-et-moi-un-film-sur-la-guerre-d-espagne
ben il est où le passionnant article d'hier soir ?! je m'étais promis de le lire ce matin...
un des commentateurs aurait il demandé son effacement ? ;)
Dorham,
Merci de ne pas être taiseux :))
Sylvaine,
Merci pour le lien, ça a l'air bien !
Gaël,
Hein, quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?
ben tu n'avais pas un trés long article hier soir avec une partie sur le livre que tu nous cites aujourd'hui ? En commentaires il y avait Mtislav et Didier Goux...
Je n'avais RIEN BU hier !!!!
Tu avais dû boire car il y est toujours... Plus bas !
(Long très long ?!)
ah ouais dis donc désolé...
bon ben je suis content,
(non pas trop long, juste quand on tombre dessus vers 1 heure du matin :) )
Le camps de la honte
Mon mari est espagnol et une partie de sa famille a vécu dans ces camps.
Un vieux monsieur au village me raconte toujours son "internement" dans le camp du barcarès..
C'est la même histoire et les camps sont toujours ouverts pour d'autres horreurs.
je crois qu'on y entasse les réfugiés venus d'ailleurs.
Et les camps de la honte sont redevenus à la mode..
L'histoire se répète inlassablement..
Cela gène que le prix Goncourt le rappelle encore et toujours...
On rappelle toujours les camps construits par Hitler et consorts..Mais que faisons-nous, nous-même si ce n'est fermer nos yeux et nos oreilles à tout ce qui est hors de portée de notre quotidien!!
Zoridae,
merci pour ce rappel..
N'ayons jamais la conscience trop tranquille, ça permet de continuer à nous révolter et ne pas accepter l'inacceptable...
Merci et bravo !
( une nouvelle lectrice du blog )
Si vous venez du côté de Toulouse, il vous faudra faire un détour par la librairie de la Renaissance. C'est un repère de familles issues de cette histoire. Ce qu'ils racontent, la ferveur qu'ils y mettent... Je vous recommande chaleureusement la lecture de "Voix endormies" de Dulce Chacon. Une merveille.
De nombreux républicains espagnols ont rejoints les maquis de la résistance intérieure. C'était le cas au maquis des Glières, par exemple.
Connaissez-vous le roman d'Almudena Grandes, "Le coeur glacé", traduit chez JC Lattès ? C'est un véritable monument sur la période que vous évoquez...
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