vendredi 3 octobre 2008

Mères

Dans le lieu d'accueil de la Goutte d'Or, elles arrivent ; un sac au creux du bras, elles poussent la porte avec leur dos, engouffrent la poussette dans l'ouverture, attrapent un enfant tenté de s'enfuir, pour rire. Elles se redressent, ordonnent vaguement leurs cheveux, marmonnent une réponse inaudible au Bonjour solennel de l'animatrice puis se penchent, aussitôt, pour détacher l'enfant dans son siège, lui retirer ses vêtements, un chapeau, une tétine, un bout de pain mâchonné. Elles le redressent, lui débarbouillent le visage du bout des doigts, le mouchent, baisent une de ses joues parfaitement douce.

Alors, une main dans le dos comme si le souvenir d'avoir porté cet enfant les épuisait encore, elles le regardent s'élancer vers les jeux de sa démarche de marionnette, de créature cinétique. Fières, elles lui laissent de l'avance, l'écoutent baragouiner des bribes de réponses aux questions des animateurs ; elles le suivent et n'ajoutent rien : elle savent qu'elles ont cessé d'être le jour où leur enfant s'est emparé de leur avenir.
Il a un an, deux ans, elle porte une robe à fleurs et des collants roses, ses cheveux s'entortillent le long de son cou gracile, sur son front pur. Ils grimacent, crient, réclament, implorent, dégoulinant de bave, ils hurlent, exigent, pleurent. Ils se repaissent des drames qu'ils ont fomenté. Ils oublient vite mais pas toujours.

Autour, les mères, sur des canapés, des chaises minuscules, des tabourets d'enfants, sont avachies ; elles laissent béer leur tee-shirt sur des poitrines exsangues. Leurs bourrelets se déploient, lorsqu'elles respirent, soufflets d'un accordéon sans musique. Elles baillent et discutent parfois, sans conviction, comme devant la télévision, absorbées par le spectacle de leurs marmots passionnés. De temps en temps, elles se précipitent, au milieu d'une phrase : juste quand elles évoquaient un de leurs soucis, il leur faut ramasser un jouet, consoler d'une bosse, tempérer une dispute. Finalement, elles ne parleront pas d'elles, la naissance de l'enfant les a mises entre parenthèses et elles ne savent pas comment en sortir.

Shalyma a deux filles qui ont un an d'écart. Lorsqu'elle ne se sent pas regardée, elle soupire. Lorsqu'on la regarde, elle tire sur son petit pull noir et aplatit les mèches de sa frange. Elle glousse sans sourire. Myriame, son aînée, âgée de deux ans et demi, prend dans son sac une canette de Sprite. Shalyma ne tend pas la main pour la récupérer, elle regarde l'animatrice. Gênée, elle lui demande :
"Vous pourriez lui dire que c'est interdit de boire ça ici ?
- Mais pourquoi voulez-vous que je lui dise ça ?
- Parce qu'elle réclame toujours et nous on ne veut pas qu'elle boive des boissons gazeuses.
- Dans ce cas, dites le lui. Pourquoi voulez-vous que j'invente une raison alors que vous en avez une ?
- Oh non !
- Vous savez, ici on pense qu'il faut expliquer les choses aux enfants.
- Mais non. Moi je ne fais pas ça.
- Pourquoi ?
- Bah parce qu'elle ne comprend pas. Ça ne comprend rien à cet âge-là.

Les mères qui écoutent la conversation éclatent de rire sans que l'on sache pourquoi. Myriame escalade un vélo et dévale la pente, poursuivie par sa sœur.

Un peu plus tard, Leïla se précipite vers la porte d'entrée, laissant son fils, Jasser, patauger dans le lavabo. Celui-ci ne tarde pas à s'apercevoir qu'elle n'est plus là. ; éperdu, il geint, péniblement, dévisage les mères qui ne sont pas la sienne, incapable d'entendre les mots qu'elles prononcent pour le rassurer. Tandis que sa mère sort dans la rue, une animatrice s'élance à sa suite. Jasser veut courir aussi, mais il se prend les pieds dans son tablier et tombe la tête la première sur une voiture à pédale.
Puis, Leïla est de retour. Son front, ceint d'un voile noir est courroucé. L'animatrice lui explique qu'elle ne doit pas laisser son enfant, que ce n'est pas une garderie. Leïla prend son fils en larmes dans ses bras. Ses yeux noirs brillent de colère. Elle le plaque contre son épaule et caresse son dos, lentement. Sa main semble bouger hors du temps, patiente et douce, tandis que le ressentiment plaque ses lèvres l'une contre l'autre. L'animatrice se tait. Jasser laisse reposer sa tête dans le cou de sa mère. Il ferme les yeux. Bientôt pourtant, ses pieds battent le ventre maternel, il se contorsionne pour descendre et glisse le long de la tunique mordorée, du pantalon ample chatoyant. Dans le lavabo, il saisit un bateau plein d'eau et le porte à ses lèvres. Leïla lui tape les mains cinq fois très fort. Elle dit : "ne fais pas ça !" Jasser sourit, ravi, et remplit le bateau.
Dans cinq minutes, Leïla disparaîtra encore. Elle a besoin de l'entendre crier pour vérifier qu'elle existe bien parce que, près de lui, elle ne sait plus où s'arrête son corps, où commence le sien et elle ne pense à rien.

Clara parle beaucoup. Elle conseille à Marius de se calmer. Marius ne doit pas crier, ni sauter. Il ne doit pas jouer avec des objets bruyants. Il doit s'asseoir correctement sur le toboggan. Marius est espiègle. Il saute et crie en tapant sur un téléphone à roulettes. Sa mère le prend dans ses bras. Elle le serre et lui répète avec douceur ce qu'elle a dit cent fois. Marius rit encore. Il tape sur la tête de sa mère avec le combiné en plastique. Lasse, elle lui permet de s'échapper. Le regarde gravir le toboggan avec détermination. Si seulement il pouvait lui donner un peu de son désir et de sa joie ! Elle explique : "je suis entrain de divorcer. Pour lui, ça ne change pas grand chose, son père n'était jamais là..."

La pièce du bas est déserte. Leïla ramasse les jouets épars. Un animatrice lui dit que ce n'est pas la peine : "On range à la fin". Leïla proteste : "Je n'aime pas quand c'est en désordre !". "Oui, mais, répond l'animatrice, c'est comme ça que nous fonctionnons, reposez-vous donc, vous n'avez pas besoin de faire ça ici !" A l'étage Jasser pleure et Leïla va le rejoindre en haussant les épaules. Dans un coin, Shalyma soupire. Sa fille aînée lui parle et elle ne semble pas l'entendre. Sombre, inconsolable, elle fixe un point à l'intérieur d'elle-même. Myriame, d'un coup, brise la maison de poupée qu'elle lui tendait. Les morceaux de légos, les poupées en plastique chutent à ses pieds. Les femmes rient et Shalyma, sursautant, plaque sa frange des deux mains. Elle implore du regard l'animatrice. Celle-ci dit à l'enfant : "Que se passe-t-il, Myriame, tu es en colère ?"
Mais il est l'heure de partir, personne n'écoute la réponse de la fillette. Les mères empoignent leur progéniture, tirent sur un coude, une épaule, hissant le corps fatigué contre leur cœur. Elles le revêtent d'un ciré, d'une doudoune en fausse fourrure, d'un manteau à pompons, juchent sur sa tête un couvre-chef bariolé, l'harnachent dans sa poussette, ondoient entre porte, marches et trottoir.

Enfin, elles sont dehors, elles foncent loin de l'après-midi écoulée. Leur manteau n'est pas fermé et le froid s'engouffre dans leurs cheveux. L'enfant dans sa poussette voit en chaque chose une promesse, il s'excite et babille, montrant du doigt voitures et boutiques. Voutées, les mères se dépêchent, il reste tant de choses à faire avant l'heure du coucher. Au moins, elles ne s'ennuieront pas !

28 commentaires:

Nefisa a dit…

C'est le nouveau concept pour freiner la surpopulation de la planète ?
Faire des gosses vous transforme en sac à patate névrosé !
Excellent texte, très parlant !
Je vais immédiatement me faire ligaturer les trompes !

Audine a dit…

Mais c'est quoi cet endroit ??
Juste tu as le droit d'emmener tes momes pour qu'ils jouent mais tu dois t'assoir sur un siège pourri et inconfortable pour les regarder ?
A quoi ça sert ??

Je suis d'accord avec Nef, je trouve que c'est un excellent texte. Tu devrais l'envoyer aux services sociaux, pour qu'ils transforment cet endroit en une bulle humaine.
Parfois, décrit par quelqu'un "d'extérieur" (même si on subodore que tu as bien du être à l'"intérieur" pour si bien le peindre), un endroit, un comportement, apparait surexposé, crûment.
C'est ce que tu as fait.
(mais purée, ça donne pas envie d'avoir un ou des enfants, en tout cas à la Goutte d'Or ...).

Oh!91 a dit…

Je ne vois pas bien à quoi correspond ce "lieu d'accueil", sans doute une façon d'assister les mères dans la dure fonction de mère. Je vois bien par contre à quoi correspondent ces babillages, ces joues roses, ces doigts qui pointent les objets, les pleurs, les rires... J'aime bien cet univers de l'enfance, qui n'appartient qu'à l'enfance, condamné à s'enfuir et à renaître. Des fois, ça me manque de n'être pas ainsi "en charge", de n'avoir pas un petit bout à déposer en crèche, à aller récupérer, et le voir pousser, pousser, jour après jour.

Zoridae a dit…

Nef,

Oh ! Merci, je suis très flattée ! J'obtiens un compliment et la certitude que tu ne te reproduiras pas, c'est plus que je n'en pouvais espérer, ordure !

Audine,

C'est un lieu d'accueil parents-enfants, un concept génial en fait. Les animateurs sont des psychothérapeutes, spécialisés dans la petite enfance, il y a plein de jeux et, au lieu d'être seule chez toi avec tes enfants, tu rencontres d'autres parents. Ça permet aussi aux enfants qui sont gardés à la maison ou chez une nourrice de rencontrer d'autres enfants. Ces lieux m'ont parus extraordinaires quand Zacharie était petit parce qu'il y a eu des périodes où j'étais très seule. J'y vais parfois encore, quand il pleut, quand on s'ennuie un peu à la maison.
Là, j'ai eu une vision noire de l'endroit et des gens mais c'est une véritable bulle humaine la plupart du temps. Il y a des canapés (mais si je l'ai dit), les femmes se reposent, se laissent aller. Et puis je pense que ça fait du bien à Shalyma, Meriem, Clara de voir du monde, d'être conseillées par les animateurs qui sont le plus souvent très adroits et positifs.

Oh!91,

Je viens d'expliquer un peu à Audine (au-dessus) ce qu'était ce lieu. C'est un grand espace de jeux où une des conditions est que les enfants soient accompagnés d'un adulte.
Pour le reste je ne sais pas quoi te dire mais je comprends et je suis très touchée par ton manque d'enfant...

Anonyme a dit…

Ce concept, je le connais depuis au moins 21 ans quand jeune et nouvelle maman, je m'y faisais accompagner par mes nouveaux-nés successifs...L'inconfort des sièges n'y était que relatif mais j'ai souvent choisi la position du lotus, à même le sol.Sinon ce type de lieu "pour souffler" et venir vérifier que d'autres aussi participaient au marathon : couches-calins-bains-jeux-lessives. Bien des années plus tard,les souvenirs se décomposent en moments de plaisirs partagés et en petites bribes sonores laissés par les nombreux babillages : vase clos de la maternité inconsciente des autres formes de vie alentour.

Nicolas Jégou a dit…

Comme Nef : à vous dégouter d'avoir des mômes ! Je plaisante, mais les mômes des autres sont souvent horripilants.

Et comme les autres, avant les explications de la taulière, je me demandais ce qu'était ce lieu.

Geargies a dit…

kss j'en vois qui ne connaisse pas la Maison Verte...

très beau texte au passage.. partager le tien du mien est le passage difficile, toujours..

Didier Goux a dit…

Madame Photoshop : ce serait possible de nous effacer l'odieux petit chiard, de manière à pouvoir s'esbaudir sur le nichon de la dame ?

(Siouplaît...)

Zoridae a dit…

Myel,

Bienvenue ici et merci pour ton beau commentaire qui décrit très bien ce lieu.

Nicolas,

Mais non, enfin, ce n'est pas que les mômes soient horripilants, c'est que parfois c'est dur, épuisant d'être mère... Surtout pour les femmes qui ne font que ça ! Enfin, c'est ce que je voulais dire ici.

Geargies,

Oui, c'est le même fonctionnement que la Maison Verte ! Merci de ton commentaire !

Didier Goux,

Gamin va !

Catherine a dit…

Finalement je suis bien contente de ne plus être un enfant ni une jeune mère. Ça fait froid dans le dos, votre histoire, qui en plus a un accent de vérité. C'est des plans pour faire pleurer Nef, qu'elle évacue ses poussières dans l'oeil...

noèse cogite a dit…

J'ai trouvé ce texte fascinant,,Je viens du Canada et ne connaît pas ces maisons de "repos" .Très bien rendu. Je n'ai cependant pas aimé 'le ton' des animatrices..elles semblent blaser.
Félicitation

Tifenn a dit…

Mère, bravo!

Balmeyer a dit…

C'est drôle, on en connait deux, de ces lieux. Celui que tu décris est un havre, un lieu d'accueil, de conseil, de réconfort, de détente, et un autre, où il nous est arrivé des choses plutôt comiques.

L'autre est tenu pas des psychanalystes, ils vous dévisagent comme si vous étiez des tueurs en série. Ils tournent autour de vous, vous scrutent du coin de l'oeil, prêts à dépister les psychoses-transferico-érotico-dépressive, vous demandent : "entendez-vous, quand vous écoutez la radio, des voix qui ne sortiraient pas précisément de la radio ?", et ils se regroupent, et chuchottent en vous regardant, et vous, à la sortie, en général, des infirmiers vous attrapent, et vous séjournez à l'asile deux ou trois jours.

Dorham a dit…

Fais chier, Nef et Audine ont déjà dit ce que je voulais dire, moi j'dis !

Et Balmeyer a fait une blague esstraordinaire qui m'a fait super marré.

Je suis frustré, je pourrais bien m'engueuler avec Didier mais il a l'air en sous-régime là...

Du coup, je ne peux que dire que ton texte est particulièrement troublant ; il est beau dans son absence de jugement finalement.

--

quand même, l'endroit file un peu la frousse...

Christie a dit…

C'est un lieu d'accueil mère-enfants il me semble. Les personnels me paraissent fatigués et confrontés à le saturation qui devient le mode de fonctionnement.
D'être blasés les rend moins réceptifs. Et puis il faut bien gagner sa vie.

Balmeyer a dit…

Je suis Surpris, Dorham, et puis Audine, et puis Christie, que vous trouviez "le lieu d'accueil glauque", dans la mesure où c'est plutôt le rapport mère-enfant qui est dur.

Zoridae a dit…

Catherine,

Vous ne vous souvenez pas de comment c'était, certains jours ?
(Nef ? Pleurer ?)

Noèse cogite,

Ah bon ? Il n'y a pas de lieux comme celui-ci au Canada ?
A vrai dire j'ignore s'il y en a ailleurs que dans la Région Parisienne. C'est Dolto qui a été à l'origine des Maisons Vertes...

Mais pourquoi n'aimes-tu pas le ton des animatrices ? Je les trouve très bien au contraire. Explique-moi, je ne comprends pas et je suis curieuse de savoir ce que tu as perçu ?

Tifenn,

Je viens de lire ton beau texte sur le sommeil des parents, alors bravo à toi aussi (et merci) !

Balmeyer,

Tu as raison pour l'ambiance des deux lieux que nous connaissons, elles sont foncièrement différentes. Par contre, dans les deux, les animateurs sont des psys. Ils éduquent les parents, interrogent et écoutent avec moins d'habileté dans l'autre... L'un de nous avait écrit un billet à ce sujet, je ne sais même plus qui :))

Dorham,

Ça dépend des jours, des parents qui sont là, des histoires qui les accompagnent aussi. Quand les mères présentes ont l'air usées, fatiguées, comme c'était le cas l'autre fois, ça l'est , un peu. Mais ça fait du bien d'échanger quand même, de sortir, de voir d'autres gens. De voir Kéké fou de joie d'essayer les 3 vélos, et les 4 camions, de jouer avec des copains de son âge...

(Merci !)

Christie,

Non non, vraiment je n'ai pas voulu dire ça ! Les animateurs de ces espaces n'ont pas une tâche aisée parce qu'ils doivent sans cesse marcher sur des œufs, interroger sans être insistants, donner des conseils sans heurter les mères alors que parfois tu aurais envie de les empoigner et de les secouer. Ils sont d'une patience rare. Ils sont tout sauf blasés !

Balmeyer,

Merci, c'est ce que j'ai voulu faire ressortir...

Anonyme a dit…

C'est moi qui ne suis plus à l'écoute pour le moment. Je suppose que cela traduit la situation que je rencontre en ce moment avec des professionnels blasés qui ont du mal à se remettre en question.

Catherine a dit…

Zoridae, je suis d'une autre génération et d'un autre pays. Mes enfants ont commencé la maternelle à 5 ans. Et en demie journée seulement. Ils étaient contents de partir de la maison et moi aussi ! Je trouve un peu triste de mettre les enfants aussi petits à l'école.
Pour Nef c'était juste histoire de chasser sa poussière dans l'oeil...

Le_M_Poireau a dit…

C'est une sorte de gynécée réinventé alors ?

Très beau texte. Je ne sais pas d'où vient le malaise à la lecture. Peut-être tout simplement parce que tu racontes des choses très intime et qu'on se sent un peu voyeur.
Ca démontre les qualités de l'écrit, non ?
:-))

Audine a dit…

Je trouve le texte impeccable et ... implaccable.
Le malaise provient que, décrit comme ça, je ressens un endroit où des femmes paumées, crevées, qui se sentent incompétentes, viennent dans un endroit où leurs enfants de pauvres pourront jouer avec des jouets de plus riches, avec même pas suffisamment de sièges pour s'assoir correctement, où on leur intime l'ordre de rester attachées à leur môme, ne serait ce qu'en ne leur offrant pas la possibilité d'échanger entre elles puisque toujours monopolisées par leurs mômes, et sous le regard vigilant de psycho machins, qui se dépêchent de délivrer la bonne parole aux non sachantes, comme des instits rigides et sourdes.
Un terrible lieu de normalisation.
Bien à l'opposé de ce que j'imaginais que Dolto imaginait pour sa Maison Verte.
Même si après l'explication de Zoridae, je comprends que c'était une vision noire, à un moment, de ce lieu.

Oui c'est parfois ou même souvent dur et épuisant et très compliqué d'être mère (parent). Dans beaucoup de cas, je dirais même aliénant.

Balmeyer a dit…

Ce n'est pas très important, c'est juste pour l'anecdote : Audine, ce n'est pas vraiment le cas, ton interprétation !

Pour le "paumé et crevé", c'est souvent vrai, ce ne sont pas des gens qui ont des gouvernantes, tiens, je vais me faire une après-midi shopping.

Le côté "restez attachée à votre mome", c'est tout bête, c'est pour éviter qu'on ne confonde ce lieu avec une garderie gratuite. "Vous pouvez me le garder 2 minutes, je vais chercher un truc ?"... "vous pouvez me le garder 15 minutes, j'ai un coup de fil à passer" etc.

Quand à la force "normative", c'est évidemment exagéré, quoique, des fois c'est nécessaire. J'ai par exemple assisté à des scènes : le gamin qui hurle comme un taré pour un truc, l'animateur qui demande à la mère :
"Vous ne lui dite jamais non ?"
la mère : "non. Le papa ne veut pas, l'enfant doit faire ce qu'il veut." (papa en général jamais présent)
L'animateur : "Si, il faut lui dire non, parfois,"... et puis grosse pédagogie, etc. C'est utile !

C'est un cas un peu extrême, mais c'est révélateur.

Dorham a dit…

Je suis d'accord, ce n'est pas le lieu qui est glauque, c'est les rapports humains en général qui sont difficiles.

Mais un asile non plus n'est pas glauque, c'est la folie qui est terrible.

Je trouve qu'il y a quelque chose de très lourd dans la ma(pa)ternité et bien souvent il y a un gros décalage entre les professionnels de la petite enfance et les parents, quelque chose qui les sépare. Depuis que la petite enfance est devenue une vraie spécialité, on se rend compte des multiples dysfonctionnements qui peuvent altérer une éducation ; du coup, ça rend les pros très vigilants et ça donne l'impression aux parents d'être constamment jugés.

Je sais que je ne devrais pas, mais quand la nenette de la crèche m'explique que M. a mangé des carottes, qu'elle a pas aimé ses épinards, qu'elle était grognon entre 15h30 et 15h35, qu'elle a fait trois fois le tour du paté d'immeuble en caisse à savon et qu'elle adooooooore les gommettes, ça ne m'intéresse pas. Je l'avoue. Mais j'écoute sagement, je sais qu'elle dit ça parce que tout le monde évolue dans une sorte de climat de méfiance, où chacun se surveille.

Faudrait quand même décloisonner un peu ce monde.

(j'ai un peu caricaturé pour me faire mieux comprendre)

Anonyme a dit…

à quelques jours maximum de devenir mère, c'est un peu déstabilisant, meme si je sais déjà toute cette difficulté de parentalité, je la sais dans ma tête, pas encore dans mon corps.
Il est beau ce texte.
Dorham : je ne comprends pas qu'on dise tout ça aussi... nos enfants ont des moments de vie qui leur appartiennent, lorsque nous ne sommes pas avec eux... il faudrait réussir à leur laisser !

Marie-Georges a dit…

Kikoo les non sachants, c'est l'instit rigide et sourde qui vient commenter lol (je plaisante Audine, je n'ai pas pris la mouche, je me suis marrée :)))

A part ça, je voulais dire que j'avais trouvé ce texte si beau que je suis sûre de ne plus jamais regarder de la même façon les mamans et leurs enfants partir de l'école le soir. Rien de déprimant. Rien dans les poches, tout dans l'humain, et les commentaires m'ont bien fait rire (ah, le "sac à patate névrosé" de Nef !!).
Quand je disais (à Goux susposté) que je reconnaissais un écrivain à ce changement de mon réel à moi après lecture... Tu en es, tu en es !!!

Zoridae a dit…

Christie,

Je comprends...

Catherine,

Mais là, je ne parle pas d'école, vous confondez :)) !

Monsieur Poireau,

Gynécée, non, c'est un lieu pour les parents (ou nounou d'ailleurs, donc les pères peuvent venir aussi. D'ailleurs là il y en avait un, effacé, une jambe dans le plâtre et bizarre 'j'espère qu'il était seulement shooté aux médicaments)...

[Merci !]

Audine,

Mais non, les femmes ne se sentent pas forcément incompétentes. Crevées elles le sont certains jours et pour différentes raisons. Mais parfois c'est un lieu très doux.

Et ce n'est pas forcément un lieu pour les pauvres. C'est ouvert à tous. Je pense que les femmes y vont (comme je l'ai fait) avant tout pour voir du monde et pour que leurs enfants rencontrent d'autres enfants lorsqu'ils ne vont pas à la crèche par exemple. Ça permet de sortir de la maison, d'avoir des idées d'activités, etc.

Les psys sont très fins, très patients et ils enseignent des choses toutes simples comme de dire la vérité aux enfants. De leur signaler quand on disparait d leur vue, que l'on va aux toilettes ou dans la salle du bas.
Ce sont des choses dont tout le monde n'a pas conscience mais que les enfants vivent très fortement. Ils ne sont pas normatifs du tout parce qu'ils ne disent jamais "il faut, on doit" mais au contraire suggèrent, écoutent, expliquent (parfois)...

J'ai vu, dans un autre lieu une mère de 16 ans, obèse, amorphe, très violente avec sa fille, progresser en quelques semaines. Elle tapait sa fille pour lui expliquer qu'elle ne devait pas taper les autres... Les animateurs y sont allés très progressivement alors que j'avais envie de lui gueuler dessus. Leur méthode a porté ses fruits....

J'aurais encore des milliards de choses à dire... Mais je vais aller me coucher !

Balmeyer,

Merci pour ton com parfait !

(LA suite demain, je suis crevée ! Pardon Dorham, Nelly et Marie-Georges mais je ne veux pas vous répondre en deux minutes.)

Catherine a dit…

Zoridae, je me suis mal exprimée, en effet. J'avais bien compris que ce n'était pas l'école, j'ai déjà accompagné ma fille dans ce genre de lieu, et j'ai trouvé ça déprimant. Et je persiste en pensant que les petits, laissons les rester petits... on en reparle, je ne suis pas réveillée. Café.....

Anonyme a dit…

les maisons vertes ont en effet été "inventées" par F.Dolto pour inciter les mères à avoir des relations avec leurs enfants autre que "fais ou ne fais pas cela".S'il parait évident pour beaucoup maintenant de jouer avec leurs enfants cela n'a pas toujours été le cas ( et ne l'est pas toujours pour tous); dans ce lieu les mères ont le droit "de perdre leur temps" en jouant;s'y côtoient des femmes sans problèmes relationnels particuliers, mais aussi des femmes qui pour x raisons ont du mal à être mère et qui peuvent être aider par les psy, mais finalement aussi indirectement par les mères sans grosses difficultés..En fait un lieu thérapeutique ouvert à tous, car même quand on va bien il y a des jours où.....