mardi 30 juin 2009

Juste une petite envie de mourir

C'est peut-être lorsque j'ai découvert un moucheron au bout de mes doigts - je venais de me gratter sous l'œil - que j'en ai pris conscience. C'était là, niché dans mon ventre, poignant, malgré le soleil, le ciel bleu et le vague contentement de soi qui succède au concert de fin d'année de mes élèves. J'ai cherché comment le nommer, j'ai examiné ce que cela me faisait. Ce n'était pas grand chose, l'image de moi entrain de me laisser tomber de ma chaise, sur le parquet, ou de me noyer dans mon lit et cette douleur, alors, qui creusait entre mes tripes et mon cœur son vaste sillon.

Un jour mon amie Nathalie m'a dit Tu es très forte, je n'aurais pas supporté la moitié de ce que tu as vécu. Je l'ai déjà difficilement supporté comme amie... Je pense souvent à ces mots, à ce qu'ils disent de moi, ce qu'ils disent de ce que j'ai montré, de ce que j'ai étouffé, de ce qui me tue et je sais qu'il n'y a pas grand chose que je pourrais supporter encore. Pourtant, je me gratte là où ça me démange et je m'attends à sentir des bestioles à l'orée de mes narines, j'imagine des vers qui rampent le long de mes paupières, ça me chatouille tellement ! Je serais bien obligée de supporter cela si ça arrivait mais est-ce que c'est normal d'avoir de telles rêveries ?

Plus tard, en parcourant des élucubrations sur la mort de Michael Jackson, j'ai appris que son nez n'avait plus d'arête et que son aile droite s'était effondrée. Il était écrit "Celui que son père surnommait big nose s'était acharné à modifier le sien", quelque chose dans le genre et je me suis demandé comment l'on pouvait résumer un destin d'une formule aussi violente sans être terrifié. Est-ce qu'il est possible de ne pas se rendre compte de ce qui est dit ? Ou est-ce moi qui déforme tout ?
Dans Un conte de Noël Elisabeth déclare à sa mère "Le désespoir d'Henri n'a su causer que le malheur. Moi j'ai essayé d'être pleine de joie..." De mon côté, j'ai le sentiment d'avoir essayé les deux, la joie, le désespoir et rien ne me sied vraiment.

Finalement, j'ai lancé Ça me donne juste envie de mourir ! et j'ai précisé Juste une petite envie !
Mais je ne suis pas satisfaite de la formule. Ce n'est pas de l'envie, je ne mourrais pour rien au monde... Alors ?

Je vais aller me doucher, peut-être que les démangeaisons se calmeront...

Illustration : Heaven, Mark Ryden

17 commentaires:

Christophe Sanchez a dit…

oualà ! une bonne petite douche pour chasser des pensées grises voire noires ou ex-noires (si on reste sur MJ).
ce que les cauchemars peuvent être tenaces parfois !

Sophie a dit…

Envie de disparaitre, de se faire oublier, de se réfugier un peu en soi, loin des émotions trop fortes de l'extérieur. S'abîmer aurait dit Roland Barthes...

Anonyme a dit…

la douche permet de noyer les idées noires et donne une nouvelle peau à notre âme...
chaque chose en son temps, mourir n'est pas la priorité...

Christie a dit…

On meurt chaque jour un peu pour renaître ailleurs, autrement, au fil de la vie, parfois, c'est facile et parfois, il faut que l'on meurt vraiment pour vraiment renaître..Comme le sphinx;
Mais parfois aussi, le "je" est devenu trop morbide et on a beau dire pouce, on ne peut plus se relever en criant

" coucou, je t'ai fait peur, hein?"

Blue Jam a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Blue Jam a dit…

Sur le King of the Pop, les media synthétisent tout à outrance sans plus aucun recul. Il faut bien que l'info tienne dans le bandeau qui défile sous la jolie "journaliste". Alors de "big nose à tiny nose", c'est bien pratique...
Sinon une douche, cela nettoie aussi les idées, très bonne initiative ;-)

Marie-Georges a dit…

Oui, de telles rêveries sont normales. Enfin d'après moi, qui imagine souvent ma cervelle s'écoulant de mon crâne ouvert comme un œuf à la coque par une cuillère géante venue du ciel, oui.

Anonyme a dit…

Je crois qu'avoir juste une "petite envie de mourir" est un joli luxe, un spleen confortable, le genre de pensée que l'on a quand on se sent à l'abri de la mort justement. Je ne juge pas, loin de là, je connais par coeur cet état où l'on s'installe dans une morbidité presque convaincante et souvent salutaire pour continuer le chemin.
Je ne crois pas comme Christie qu'on "meurt chaque jour", non, un jour on meurt tout court, parfois jeune, comme ça, sans nécessairement avoir "une petite envie de mourir"... la vie est une garce, mais une garce au prix inestimable...
( réaction un peu épidermique...n'y vois aucune critique de ma part...j'ai adoré tes mots, comme toujours!)

Unknown a dit…

La douche, une idée vraie, un remèdes contre les mauvaises pensées...
Le nez, symbole de l'effondrement d'une personnalité, ça c'est encore un autre sujet qui à moi, me donne envie de pleurer et surtout me met dans une sensation de profonde révolte...

Zoridae a dit…

Arf,

Vive l'eau oui !

Sophie,

S'abîmer, j'aime bien...

Charl'

Oh non ! Pas du tout !

Christie,

Oh je n'ai pas envie de mourir pour renaître, hein ? Surtout que je n'y crois pas...

Blue Jam,

LA douche c'est génial, c'est pour ça que j'en prends tous les jours ;)) !

Marie-Georges,

Gasp, tu veux dire que nous sommes aussi allumées l'une que l'autre ?

Mots d'Elle,

Je comprends ce que tu ressens, parce que je connais ton histoire et parce que j'ai connu des deuils brutaux, des morts injustes... Quand j'ai écrit tout cela j'y ai pensé et j'ai pensé que mon titre et ce qu'il disait était indécent, aussi, à l'égard de ceux qui se battaient pour vivre...

C'est pour ça que je précise à la fin "Mais je ne suis pas satisfaite de la formule. Ce n'est pas de l'envie, je ne mourrais pour rien au monde... Alors ?"

Je n'ai pas d'autres mots pour dire que certaines choses me font sombrer... Ce n'est pas une "envie" mais une conséquence, un ressenti...

tifenn a dit…

J'ai frissonné.
Et puis..et si cete petite nevie finalement te faisaait rester en vie et le vouloir coûte que coûte? celui qui ne pense pas à sa mort a t'il la conscience de tout? du Tout? juste une petite envie, souffrir ou arrêter de souffrir? vivre avant. surtout.En tout cas, je t'embrasse, tu m'émeus trop pour rester indifférente.

Personne a dit…

Je vous découvre grâce à Bérénice... Merveilleux cadeau que cette journée !
Une envie proche de la démangeaison.
Une tache de vin pour abstinent.
Un nævus, comme un gant sous la peau...

On s'échoue sur nos histoires communes. Mais mourir jamais.

MichelDALMAZZO a dit…

Les petites morts imaginées comme le bout du pied dans l'eau froide, les mots qui marquent le coeur et les trippes. Le texte est juste et formidable.

Leiloona a dit…

"je sais qu'il n'y a pas grand chose que je pourrais supporter encore" : je crois qu'on se dit ça quand des malheurs ont jalonné notre vie ... et je pense que face à une nouvelle souffrance, il nous reste encore la force de supporter. Encore et toujours.
Même si on en ressort encore plus abimé qu'avant.
(Je trouve la phrase de l'amie très maladroite.)

justmarieD a dit…

Sais-tu que l'été est la saison de la mue belle Zoridae ? Mourir juste un petit instant, sortir d'un corps soudain pesant et fourmillant et puis continuer, encore un peu, encore une fois ou plus, différente, plus légère, plus forte, après la mue. Je t'embrasse jolie cigale, laisse donc besogner les fourmis.

La musique est très belle, merci.

Zoridae a dit…

Icone,

Merci de ta visite et merci pour ton commentaire poétique et parlant...

Leiloona,

Ce que tu dis m'interroges... Est-ce que je supporterai encore beaucoup de choses... J'espère que l'avenir sera plus clément quand même que ne l'a été le passé et que je n'aurai pas à le savoir...

JustMarieD

J'aime cette idée de la mue... En plus, j'aime l'été... Merci pour tes baisers, ils font du bien !

Colombine a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.